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VIII. ÉPITRE A M. DE VOLTAIRE.a

Dis-nous, divin Voltaire, où ton esprit sublime
Apprit à renfermer le bon sens dans la rime;
Quel trésor te fournit les mots harmonieux
Dont le concours heureux de sons mélodieux,
Enchantant les esprits et chatouillant l'oreille,
Par un plaisir nouveau sans cesse nous réveille.
Daigne enseigner cet art qui, charmant les lecteurs,
Sous tes heureuses mains fait éclore des fleurs;
Fais connaître ce dieu qui répand sur tes traces
Le feu, le tour brillant, la noblesse, les grâces,
Et qui, malgré le joug où la règle asservit,
Te fait trouver des vers dont la beauté ravit.
Ah! si tu savais les peines qu'on endure
Lorsqu'on rime en dépit des dons de la nature,
Par quels chemins nouveaux, par quels circuits divers
On promène l'esprit pour trouver un bon vers;
Si tu pouvais me voir, l'œil chagrin et l'air morne,
Méditer tristement un vers faible que j'orne,
Et m'armer pour combattre, en faveur du bon sens,
Contre le tour obscur, contre le faux brillant;
Et lorsque, sur le point de gagner la victoire,
La rime ou la raison m'en ravissent la gloire;
Quand tous ces ennemis, ligués et conjurés,


a Cette Épître rappelle la seconde Satire de Boileau.