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ÉPITRE AU COMTE HODITZ, SUR ROSSWALDE.a

O singulier Hoditz! vous qui, né pour la cour,
Avez fui, jeune encor, ce dangereux séjour,
Libre des préjugés qui trompent le vulgaire,
Vous riez de ces fous dont l'esprit mercenaire
N'amasse des trésors que pour les dépenser,
De ces fats dont l'orgueil sait si bien s'encenser,
Se dresse, se rengorge, et se mire en ses plumes,
Et de ces sombres fous qui, dans les amertumes,
Toujours pour leur grandeur occupés de projets,
S'épuisent en travaux sans réussir jamais,
Mécontents du présent à leurs vœux peu sortable,
Cherchent dans l'avenir un sort plus favorable;
Vous avez rejeté ce dangereux poison,
Vous bornez vos désirs à suivre la raison.
Être heureux en effet, c'est bien la grande affaire;
L'orgueil est à mes yeux une triste chimère.
A quoi vous eût servi que, valet grand seigneur,


a Au commencement de septembre 1770, Frédéric se rendit à Neustadt en Moravie, pour faire visite à l'Empereur (voyez t. VI, p. 31). Il logea au château de Rosswalde en allant et en revenant, et en invita le maître, le comte Hoditz, à venir le voir à Potsdam. Ce fut à cette occasion qu'il lui dédia la présente Épître, le 26 mars 1771.