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VERS FAITS POUR ÊTRE ENVOYÉS PAR UN SUISSE A CERTAINE DEMOISELLE ULRIQUEa DONT IL ÉTAIT AMOUREUX.

Je vois ici comment on prend des villes;
Leurs défenseurs, pareils à des Achilles,
Mènent grand bruit et nous résistent bien.
Ces beaux exploits, en lauriers si fertiles,
Toujours cruels, ne me touchent en rien.
J'aimerais mieux le beau secret de prendre
Un jeune cœur enclin à se défendre,
Surtout lui plaire, et par mon entretien
Faire passer mon amour dans le sien.
A mon avis cet art est difficile;
Je le croirais toutefois plus utile
Que les travaux funestes des guerriers
Couverts de sang, de fange et de lauriers.
Quel triste jeu d'abîmer des murailles,
Vieux monuments d'habiles ouvriers,
De s'acharner dans le fort des batailles,
Et de causer nombre de funérailles!
Que si j'étais auprès de vos foyers,
Je l'avouerai, j'aurais plutôt envie


a Ulrique Kühn, fiancée du lecteur du Roi, M. de Catt, qu'elle épousa à Berlin, le 9 novembre 1762.