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AU MARQUIS D'ARGENS, SUR SON TIMÉE DE LOCRES, QU'IL LUI AVAIT ENVOYÉ.

Dans la fleur de mes ans je m'occupais d'Ovide,
Ou je suivais Renaud dans le palais d'Armide,a
Et lorsqu'un poil naissant ombragea mon menton,
Je pris goût pour Sophocle, Horace et Cicéron;
Plus mûr, j'étudiai César dans son allure,
Leibniz et Gassendi, mais surtout Épicure.
A présent, cher marquis, que l'âge injurieux,
Énervant ma vigueur, grisonne mes cheveux,
Et m'avertit qu'en peu je joindrai mes ancêtres,
J'ai choisi pour hochets ces scélérats de prêtres;b
La folle ambition de ces faquins mitrés,
La luxure et l'orgueil de ces fronts tonsurés,
Amuse, en m'irritant, ma pesante vieillesse.
Je m'emporte en voyant la honteuse faiblesse
De lâches souverains, sous la tiare rampants,
Par bassesse embrasser les pieds de leurs tyrans;


a Voyez t. XI, p. 48.

b Histoire ecclésiastique de l'abbé Fleury. Voyez t. VII, p. VI et VII, et p. 149-164.