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LETTRE A VOLTAIRE.

Non, si ma muse vous pardonne
Vos sarcasmes injurieux,
Jamais elle n'unit Pétrone
Aux écrivains ingénieux
Qui m'accompagnent en tous lieux,
Et partagent avec Bellone
Des moments courts et précieux
Qu'un loisir fugitif me donne.
Je déteste l'impur bourbier
Où ce bel esprit trop cynique
A trempé sa plume impudique;
Je n'eus point le front de souiller
Les Grâces dans ce vil fumier.
La mémoire est un réceptacle;
Il faut qu'un jugement exquis
Ne remplisse ce tabernacle
Que d'œuvres qui se sont acquis
Autant de crédit qu'eut l'oracle
Qu'à Delphe adoraient les gentils.
C'est pourquoi, lorsque sans obstacle
J'ai l'esprit libre de soucis,
Je vous lis et je vous relis;
J'allaite ma muse française
Aux tetons tendres et polis