<16>« Bien différents, sublimes et parfaits
Étaient, dit-on, ces Grecs tant admirables. »
Virgile, Horace, ont écrit en latin,
Les Grecs en grec, et nous dans notre langue;
Il est plaisant qu'un censeur clandestin
Prétende ici qu'en hébreu l'on harangue.
Ah! dans ces jours où notre heureux destin
Nous a fourni, pour effacer Homère,
Un Apollon plus vif et plus brillant,
Comment peut-on, en possédant Voltaire,
Avec dédain regretter un instant
Ce vieux bavard toujours se répétant,
Que sans bâiller nul mortel ne lit guère?
Valons-nous moins que nos simples aïeux,
Très-ignorants, très-grossiers, très-gothiques?
Si l'on nous croit plus fins, plus galants qu'eux,
Plus opulents et bien plus magnifiques,
Que nos palais sont plus voluptueux,
Que nos repas sont plus luxurieux,
Et que les cieux, à nos désirs propices,
Versent sur nous un torrent de délices;
Mon cher Fouqué, ce n'est que d'autant mieux
Nous condamner : quels étranges caprices!
De tous ces morts que l'on a tant vanté
Le grand mérite était la pauvreté,
Et nos péchés, ce sont quelques richesses :
Beaux arguments, dignes d'un hébété.
Ou d'un esprit né pour les petitesses,
Qui, des fureurs de l'envie agité,
Va publier, comme des gentillesses,
Les songes creux de sa malignité!
Depuis le temps que subsiste le monde,
Il va toujours son train également;
Le ridicule en cent façons abonde,
Et reparaît toujours plus follement;
C'est un protée, et ses formes nouvelles