<201> c'est qu'un empereur turc est ordinairement étranglé par les janissaires, et que les rois de France qui ont péri ont eu coutume d'être assassinés par des moines. Mais Machiavel parle plutôt, en ce chapitre, de révolutions générales que de cas particuliers; il a deviné à la vérité quelques ressorts d'une machine très-composée, mais il n'a parlé qu'en politique. Voyons ce qu'on pourrait y ajouter en philosophe.

La différence des climats, des aliments et de l'éducation des hommes établit une différence totale entre leur façon de vivre et de penser; de là vient qu'un sauvage d'Amérique agit d'une manière tout opposée à celle d'un Chinois lettré, que le tempérament d'un Anglais, Sénèque profond, mais hypocondre, est tout différent du courage et de l'orgueil stupide et ridicule d'un Espagnol, et qu'un Français se trouve avoir aussi peu de ressemblance avec un Hollandais que la vivacité d'un singe en a avec le flegme d'une tortue.

On a remarqué de tout temps que le génie des peuples orientaux était un esprit de constance pour leurs pratiques et leurs anciennes coutumes, dont ils ne se départent jamais. Leur religion, différente de celle des Européens, les oblige encore en quelque façon à ne point favoriser l'entreprise de ceux qu'ils appellent les infidèles, au préjudice de leurs maîtres, et d'éviter avec soin tout ce qui pourrait porter atteinte à leur religion et bouleverser leurs gouvernements. Ainsi la sensualité de leur religion et l'ignorance qui en partie les attache si inviolablement à leurs coutumes assure le trône de leurs maîtres contre l'ambition des conquérants; et leur façon de penser, plus que leur gouvernement, contribue à la perpétuité de leur puissante monarchie.

Le génie de la nation française, tout différent de celui des Musulmans, est tout à fait ou du moins en partie cause des fréquentes révolutions de cet empire : la légèreté et l'inconstance a fait de tout temps le caractère de cette aimable nation; les Français sont inquiets,