<166> soutenir sur le trône. La vérité semble le forcer de lui rendre cet hommage, à peu près comme les théologiens l'assurent des anges maudits, qui reconnaissent un Dieu, mais qui le blasphèment.

Voici en quoi consiste la contradiction : pour gagner l'affection des peuples et des grands, il faut avoir un fonds de vertu; il faut que le prince soit humain et bienfaisant, et qu'avec ces qualités du cœur on trouve en lui de la capacité pour s'acquitter des pénibles fonctions de sa charge.

Il en est de cette charge comme de toutes les autres : les hommes, quelque emploi qu'ils exercent, n'obtiennent jamais la confiance, s'ils ne sont justes et éclairés; les plus corrompus souhaitent toujours d'avoir affaire à un homme de bien, de même que les plus incapables de se gouverner s'en rapportent à celui qui passe pour le plus prudent. Quoi! le moindre bourgmestre, le moindre échevin d'une ville aura besoin d'être honnête homme et laborieux, s'il veut réussir, et la royauté serait le seul emploi où le vice serait autorisé! Il faut être tel que je viens de le dire pour gagner les cœurs, et non pas, comme Machiavel l'enseigne dans le cours de cet ouvrage, injuste, cruel, ambitieux, et uniquement occupé du soin de son agrandissement.

C'est ainsi qu'on peut voir démasqué ce politique que son siècle fit passer pour un grand homme, que beaucoup de ministres ont reconnu dangereux, mais qu'ils ont suivi, dont on a fait étudier les abominables maximes aux princes, à qui personne n'avait encore répondu en forme, et que beaucoup de politiques suivent, sans vouloir qu'on les en accuse.

Heureux serait celui qui pourrait détruire entièrement le machiavélisme dans le monde! J'en ai fait voir l'inconséquence; c'est à ceux qui gouvernent la terre à la convaincre par leurs exemples. Ils sont obligés de guérir le public de la fausse idée dans laquelle on se trouve sur la politique, qui ne doit être que le système de la sagesse, mais