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CHAPITRE XVI.

Campagne de 1762.

La campagne précédente, comme nous l'avons rapporté, avait été généralement funeste aux armes prussiennes. Le prince Henri avait perdu les montagnes de la Saxe, le prince de Würtemberg, la ville de Colberg, et le Roi, celle de Schweidnitz. La position des troupes prussiennes en Silésie était précaire : un mauvais retranchement, qui pouvait contenir douze bataillons, au faubourg de Breslau, faisait leur principale défense. Deux postes d'avertissement les garantissaient contre les surprises de l'ennemi : l'un, Canth, où M. de Dalwig187-a avait le commandement; l'autre, Rothensirben, aux ordres de M. de Prittwitz. M. de Wied occupait les environs de Grottkau, d'où il avait détaché M. de Möhring à Strehlen. M. de Möhring faisait ses reconnaissances vers Frankenstein, M. de Prittwitz, vers Reichenbach, et M. de Dalwig, du côté de la montagne de Zobten et du Pitschenberg. Glogau était couvert par six bataillons, que M. de Zeuner<188> commandait; et pour M. de Thadden, il occupait Guben, et formait, avec la cavalerie de M. de Schmettau, un cordon jusqu'à Lubben, par où il garantissait la communication de Berlin, d'où l'armée tirait ses approvisionnements. Du côté des Autrichiens, le cordon commençait à Jagerndorf, d'où il tirait sur Neustadt, Weidenau, Johannesberg, Wartha, Silberberg, Bögendorf, la montagne de Zobten, Striegau et Hohenfriedeberg. Le gros de leur infanterie cantonnait dans les montagnes, et les Russes avaient leurs quartiers dans le comté de Glatz. Il y eut quelques expéditions de partis durant l'hiver, mais qui ne furent d'aucune conséquence. Le colonel Alton, qui passait l'hiver à Reichenbach, voulut surprendre le quartier de M. de Prittwitz à Rothensirben. Prittwitz en eut vent; il s'embusqua avec sa troupe sur le chemin par lequel l'Autrichien devait passer, le battit, et lui enleva cent hommes.

La révolution arrivée en Russie et les bonnes dispositions de Pierre III pour les Prussiens donnèrent lieu à la séparation du corps de Czernichew de l'armée impériale. M. de Czernichew quitta le comté de Glatz, passa l'Oder à Auras, et retourna en Pologne. Cette révolution donna lieu également à la paix qui se négociait avec les Suédois; et comme dès lors on en prévoyait l'heureuse issue, le Roi se trouvait par là le maître de disposer de toutes les troupes qu'il avait employées contre cette couronne. M. de Belling avec vingt escadrons, et M. de Billerbeck avec six bataillons, furent destinés à renforcer l'armée de Saxe. Le prince de Bevern, le prince de Würtemberg et M. de Werner reçurent ordre de joindre l'armée de Silésie aussitôt que les conjonctures leur permettraient de quitter la Poméranie.

Le Roi se proposait d'ouvrir cette campagne par une diversion qu'il prétendait faire en Hongrie. Selon ce projet, M. de Werner devait joindre les Tartares du côté de Bude, et soutenir les incursions qu'ils auraient faites tant dans ces environs qu'en Autriche même; ce qui faciliterait les opérations du Roi en Silésie, où il fallait reprendre<189> Schweidnitz, et, après avoir terminé ce siége, renforcer l'armée de S. A. R. le prince Henri, pour qu'elle pût tenter tous les moyens pour reprendre Dresde. Mais ces projets furent changés depuis, à cause du traité d'alliance qui se conclut avec la Russie.

On pensa, dès le 15 de mars, à rapprocher les divers corps qui devaient composer l'armée : pour cet effet, M. de Schenckendorff quitta la Saxe, et releva MM. de Schmettau et de Thadden à Guben; il fut suivi par le corps de Platen, qui alors se trouvait aux ordres de M. de Krockow. Tous ces détachements arrivèrent successivement à Breslau, savoir : MM. de Schmettau, de Thadden, de Zeuner, le 15 d'avril; M. de Krockow avec vingt-cinq bataillons et trente-cinq escadrons, le 6 de mai; et M. de Lossow,189-a qui avait couvert la Haute-Silésie contre les Cosaques, releva avec ses hussards et Bosniaques M. de Dalwig à Canth; le prince de Würtemberg joignit l'armée le 12 de mai avec cinq bataillons et six escadrons.

Il paraîtra surprenant sans doute que les Autrichiens aient souffert avec tant de flegme et de sang-froid la jonction de tous ces corps prussiens, sans y apporter le moindre obstacle; mais leur consternation et leur découragement étaient prodigieux, tant à cause de la défection des Russes, sur lesquels ils avaient beaucoup compté, que de la réduction de leurs troupes, que la cour de Vienne avait faite si fort à contre-temps durant l'hiver. Outre cela, une espèce de lèpre, qui régnait dans leur armée, mettait la moitié de leurs régiments hors de combat. Les officiers, en leur particulier, regardaient les affaires comme perdues; d'ailleurs, le commandement de l'armée de Silésie avait été conféré au maréchal Daun, et M. de Loudon, se trouvant sur le point de lui remettre l'armée, ne témoignait pas d'empressement<190> de travailler pour son successeur, ni de risquer sa réputation pour un homme qu'il détestait dans le fond du cœur. Si l'on considère ces différentes raisons avec attention, on trouvera moins surprenant que le Roi ait rassemblé ses forces divisées avec aussi peu d'opposition de la part des ennemis.

Pendant que l'armée se rassemblait aux environs de Breslau, l'empereur de Russie manda au Roi qu'il avait donné ordre à M. de Czernichew de quitter Thorn, et de venir se joindre en Silésie aux troupes prussiennes. Cet heureux événement, qui influait si fort dans les projets pour la campagne, donna lieu de les changer en partie. Il fut résolu qu'on assemblerait un gros corps à Cosel, soit pour se joindre en Hongrie aux Tartares, au cas qu'ils y vinssent encore, soit pour inquiéter les frontières de la Moravie, et obliger le maréchal Daun d'y envoyer de gros détachements. C'était là le point essentiel pour le but qu'on se proposait, parce que, avec quatre-vingt mille hommes, le maréchal Daun pouvait si exactement garnir ses montagnes et le poste de Kunzendorf, qu'il aurait été de toute impossibilité de l'attaquer ou de le tourner. Il avait actuellement soixante-dix mille hommes sous ses ordres, distribués de la sorte : dix mille en garnison à Schweidnitz, et huit mille destinés à garnir les gorges de Silberberg et de Wartha. Il s'agissait donc de l'affaiblir encore de quinze mille hommes, pour aller à jeu sûr, et pour se trouver en état de tourner tous les postes qu'il pouvait prendre dans les montagnes, et par conséquent de faire une campagne heureuse et brillante.

L'armée du Roi montait à soixante-six mille combattants; M. de Czernichew lui amenait vingt mille Russes : ainsi il pouvait détacher vingt mille hommes en Haute-Silésie, et il demeurait encore supérieur aux Impériaux. Toutes les manœuvres que le Roi projetait pour cette campagne, étaient calculées à tourner les ennemis dans leurs positions, et sa plus grande attention se portait à leur en dérober la connaissance. Comme cela était aussi essentiel qu'important, on for<191>tifia les détachements de la cavalerie, pour leur donner de la supériorité sur celle des Autrichiens, et pour leur procurer le moyen, en les battant souvent, de les intimider, de les empêcher d'aller à la découverte et de s'aventurer au delà de leurs grand'gardes.

Ce fut le 12 de mai191-a que le maréchal Daun arriva en Silésie. Il eut à peine pris le commandement de l'armée, qu'il la fit camper; il appuya sa droite sur la montagne de Zobten; sa ligne tirait vers Do-manze, et il posta M. d'Ellrichshausen au Pitschenberg, où il faisait la clôture de la gauche. Le Roi, ne jugeant pas à propos de faire camper son armée vis-à-vis de l'ennemi, resserra les cantonnements de ses troupes aux deux bords de la Lohe, et établit le quartier général à Bettlern; avec cela, douze bataillons et vingt escadrons occupaient les retranchements de Breslau. M. de Reitzenstein fut détaché avec quinze cents chevaux à Neumarkt, pour couvrir le chemin de Glogau, et pour observer les côtés de Striegau et de Jauer. Le corps de Canth, sous M. de Lossow, fut fortifié de manière que, outre mille volontaires de Courbière, il montait à cinq mille quatre cents chevaux. Le corps de MM. de Lentulus et de Prittwitz, qui campait sur l'Ohlau, non loin de Borau, faisait quatre mille cinq cents chevaux et mille volontaires.

Cette position de l'armée du Roi peut paraître hasardeuse à quiconque ne l'examine que superficiellement : mais elle ne l'était pas en effet; car ces gros détachements de cavalerie avancés vers l'ennemi formaient comme une espèce de circonvallation autour de l'armée impériale, dont les postes des Prussiens étaient si proches, qu'aucun de leurs mouvements ne pouvait échapper à la connaissance du Roi. D'ailleurs, le maréchal Daun avait deux marches à faire pour arriver à la Lohe, et le Roi n'avait besoin que de six heures pour rassembler son armée. Et quel projet les Autrichiens pouvaient-ils former? quelle attaque pouvaient-ils méditer? Il n'y avait point de position de prise :<192> il était libre au Roi de former son armée en deçà ou au delà de la Lobe, et il serait tombé à l'improviste sur le corps des ennemis, pour les charger au moment qu'ils s'y seraient le moins attendus. Il faut ajouter à ce que nous venons de dire, que les Autrichiens craignaient la plaine : ils savaient que s'ils risquaient d'y descendre, le retour aux montagnes pourrait leur devenir difficile; de sorte qu'effectivement l'armée prussienne était commodément et en sûreté.

Ce fut durant ces cantonnements que M. de Schwerin retourna de Pétersbourg avec les traités de paix et d'alliance conclus avec la Russie. La paix fut solennellement proclamée, et l'on ne fit point mystère de l'alliance aux Autrichiens. Cependant le Roi retarda les opérations de la grande armée jusqu'à l'arrivée de M. de Czernichew. Cela ne l'empêcha pas de faire d'avance filer des troupes vers la Haute-Silésie. Déjà M. de Werner se trouvait à Cosel avec environ dix mille hommes; il était instruit du projet qu'on avait d'attirer les forces de l'armée impériale dans la Haute-Silésie pour donner de la jalousie à l'ennemi et lui causer des inquiétudes; il s'approcha de Ratibor, d'où il poussa M. de Hordt à Teschen avec douze cents hommes. Hordt y enleva un détachement d'un capitaine et de soixante hommes, et répandit ses hussards jusqu'au delà du passage de la Jablunka. Dès que le maréchal Daun fut informé de cette incursion, il envoya M. de Beck pour s'opposer aux entreprises des Prussiens. Beck s'avança à Ratibor; c'était répondre exactement aux intentions du Roi. M. de Werner replia aussitôt ses troupes au delà de l'Oder, et s'en revint à Cosel. Le prince de Bevern arriva vers ce temps à Breslau; il amenait quatre bataillons et mille hussards provinciaux avec lui; on joignit les hussards de Möhring et dix escadrons de dragons à son infanterie, avec laquelle il partit pour Cosel, où il rassembla son petit corps d'armée.

Ces détachements qui partaient pour la Haute-Silésie, n'empêchèrent pas que la cavalerie du Roi ne commençât à prendre de<193> l'ascendant sur celle de l'ennemi. M. de Prittwitz surprit un détachement autrichien près de Panthenau, au Johannesberg, et lui enleva cent hommes. M. de Reitzenstein, qui était à Neumarkt, battit le général Gurcy, qui tenta de le surprendre, et il lui prit trois officiers et soixante-dix dragons. Peu après, les mille hussards provinciaux que le prince de Bevern avait amenés, et qui étaient postés devant Neisse, à Heidersdorf, furent attaqués par M. Draskovics, qui, de Patschkau, où il était, ayant eu avis de leur arrivée, tenta de les surprendre. Le succès ne répondit point à son attente : son détachement fut malmené, et il fut fait prisonnier lui-même avec cent soixante-dix des siens, tant dragons que hussards. Ces coups, qui se suivirent de près, commencèrent à rendre la cavalerie impériale circonspecte; elle devint bientôt timide. L'avant-garde de M. de Czernichew consistait en deux mille Cosaques; elle joignit l'armée du Roi quelques jours plus tôt que les Russes. Le Roi partagea ces deux pulks entre MM. de Lossow et de Reitzenstein. Ce dernier s'avança de Neumarkt au pied du Pitschenberg, par où l'armée du maréchal Daun se trouvait presque bloquée. Il ne pouvait plus envoyer sa cavalerie sur ses devants; et on lui laissait ses derrières libres, parce qu'on ne voulait pas se découvrir et l'avertir des desseins que l'on formait contre lui. Cependant, depuis l'arrivée des Cosaques, il ne se passa presque pas de jour qu'il n'y eût quelque grand'garde de l'ennemi d'enlevée à la face de tout le camp. Enfin, l'ennemi n'envoya plus à la découverte : personne n'avait le cœur de faire une reconnaissance devant la chaîne des vedettes, et la cavalerie, demeurant au piquet, ne hasarda plus de se montrer dans la plaine.

Nous laisserons là pour un moment les affaires de la Silésie, pour rapporter ce qui se passait en Saxe, parce que, cette année, le prince Henri fut le premier qui ouvrit la campagne. De là nous passerons en Westphalie et au Bas-Rhin, pour rendre compte des opérations du prince Ferdinand de Brunswic; après quoi nous pourrons pour<194>suivre sans interruption la suite des événements qui se passèrent en Silésie.

Le commandement de l'armée impériale en Saxe avait été décerné cette année à M. de Serbelloni : il occupait non seulement le fond de Plauen, le Windberg et Dippoldiswalda; il s'étendait encore de là sur toute la crête des montagnes qui va de Freyberg, par Chemnitz, à Waldheim. Il avait retranché avec soin tous les passages de la Mulde devant son front : il se fiait sur ces arrangements, et se figurait qu'il était impossible qu'on pût le déloger d'une position aussi forte et aussi bien défendue. Ces difficultés n'arrêtèrent pas le prince Henri. S. A. R. résolut de percer son cordon par le centre, tant pour gagner du terrain que pour lui donner des jalousies sur la Bohême; car on ne pouvait reprendre Dresde qu'en attirant le gros de l'armée autrichienne en Bohême. Le Prince suspendit l'exécution de ce projet jusqu'à l'arrivée du brigadier Billerbeck,194-a qui venait de la Poméranie pour le joindre. Pour dérober en même temps à l'ennemi jusqu'au soupçon du projet qu'on méditait contre lui, le Prince fit faire différents mouvements à ses troupes; il fit quelques démonstrations vers le duché d'Altenbourg et du côté de Penig, pour persuader aux ennemis qu'il avait quelque dessein, et qu'il projetait quelque entreprise dans cette partie de la Saxe.

Dans ces entrefaites, M. de Billerbeck joignit M. de Stutterheim le cadet à Lommatzsch. Ce fut le signal auquel toutes les troupes destinées au passage de la Mulde se mirent en mouvement. Elles s'assemblèrent le 11 au soir, chaque corps au lieu qui lui était assigné. La force de tout le corps destiné à cette expédition consistait en vingt et un bataillons et en trente-cinq escadrons. Ces troupes furent partagées en quatre détachements. Celui de M. de Seydlitz s'assembla derrière Mockerwitz; celui de M. de Canitz, derrière le village de Zscher<195>nitz, et M. de Stutterheim l'aîné, qui avait campé au Pétersberg, s'avança à Zschockwitz; pour les hussards et les troupes légères de M, de Kleist, il les forma entre Zweinig et Hasslau. Ces quatre colonnes, par une marche couverte, s'approchèrent la nuit des bords de la Mulde, et s'embusquèrent derrière un ravin, qui dérobait à l'ennemi et leur approche, et leurs desseins. S. A. R. avait choisi les emplacements de ses batteries; on y avait mené le canon; on l'avait masqué de broussailles, de sorte qu'au premier signal il pouvait être exécuté contre les redoutes des Impériaux.

Le détachement de l'ennemi que le Prince se proposait d'attaquer, était commandé par M. de Zedtwitz, général des Autrichiens; il pouvait recevoir des secours des troupes qui cantonnaient à Freyberg, à Chemnitz et à Waldheim. Sa troupe était forte de quatre mille hommes; il avait garni les redoutes des gorges et des montagnes d'infanterie et d'artillerie, sous la protection desquelles il avait répandu ses Croates et ses pandours en divers détachements le long de la Mulde. Ces troupes passaient régulièrement les nuits au bivouac; on avait même observé qu'elles rentraient tous les matins à la pointe du jour vers quatre heures dans leurs tentes. Le Prince avait déterminé, sur ces remarques, que l'attaque de son corps ne devait se faire qu'à sept heures du matin.

Les chasseurs prussiens, qui étaient postés à Zeschwitz, soit par l'effet du hasard, soit par impatience, se mirent à escarmoucher avant le temps marqué. Quoiqu'il ne fût que six heures du matin, cela détermina S. A. R. à anticiper l'attaque. Les quatre colonnes passèrent aussitôt la Mulde, au signal qui leur fut donné, sous la protection de quarante pièces d'artillerie. M. de Seydlitz, qui menait la cavalerie par le gué de Technitz, trouva au village de Mastenau des Croates en son chemin, qui se sauvèrent dans une redoute voisine. M. de Kleist, qui passait la Mulde plus bas, prit en même temps l'ennemi à dos, tandis que les colonnes de l'infanterie gagnaient la hauteur. Ces mou<196>vements compassés étonnèrent les Autrichiens, et ils abandonnèrent leurs forts. Pendant ce temps-là, M. de Kleist avec ses hussards donna sur les cuirassiers de de Ville, et les mit en fuite. Comme il les avait poussés, sa poursuite lui donna de l'avance sur l'infanterie de l'ennemi, qui était en pleine retraite. Il l'attaqua de front, pendant que l'infanterie prussienne la talonnait de près, de sorte que la confusion et le désordre s'y mit; et il n'échappa de tout ce corps des Impériaux que ceux qui de bonne heure avaient eu la prudence de se sain er à Waldheim. M. de Zedtwitz et deux mille hommes de son détachement tombèrent entre les mains du vainqueur.

Le même jour, S. A. R. fit marquer le camp de ses troupes au village de Knobelsdorf, et fit avancer MM. de Hülsen et de Forcade, qui prirent la position de Schlettau et des Katzenhauser. Le 13, l'armée du prince marcha sur Oederan; elle aperçut à quelque distance de sa marche des troupes autrichiennes qui venaient de Waldheim, auxquelles s'étaient joints les fuyards de la veille. M. de Kleist chargea leur arrière-garde, qu'il mit en déroute; de là il donna sur le régiment de Luzani, et lui prit cinq cents hommes.

M. de Maguire, qui commandait à Freyberg, apprenant ce qui s'était passé à Rosswein,196-a ne voulut pas s'exposer à un sort pareil. Il évacua le Zinnwald, Nossen et Freyberg, et se retira à Dippoldiswalda. S. A. R. prit aussitôt le camp de Freyberg. Elle poussa son avant-garde à Bobritzsch, et M. de Seydlitz nettoya tous les bords de la Wilde Weisseritz. Le Prince prit, le 16, le camp de Pretzschendorf, d'où il poussa un détachement à Reichsstadt. Il établit des postes de Satisdorf à Frauenstein, pour garder tous les passages par lesquels l'ennemi aurait pu former quelque entreprise sur les troupes. MM. de Hülsen et de Forcade s'avancèrent en même temps que le Prince, et prirent une position entre Wilsdruf et Constappel; ils garnirent les<197> villages de Braunsdorf, Hartha et Weisdropp de troupes légères, afin d'assurer la communication du camp du Landsberg avec celui de Pretzschendorf.

Pendant que les Prussiens poussaient ainsi leurs avantages contre les troupes impériales, l'armée des cercles, aux ordres du prince de Stolberg, s'avançait vers Tschopa. S. A. R., qui ne pouvait souffrir d'ennemi si proche de ses derrières, se vit dans la nécessité d'envoyer quelque détachement de ce côté-là. Elle opposa M. de Bandemer197-a aux cercles, avec mille chevaux, soutenus de quatre bataillons. M. de Ban-demer occupa les bords de la Flöha; il envoya M. de Röder à la découverte. Cet officier fut assailli par tout ce qu'il y avait de cavalerie dans l'armée de l'Empire; il se serait néanmoins retiré sans perte considérable, si M. de Bandemer ne se fût avisé très-imprudemment de passer le défilé de la Flöha pour le secourir. Cette troupe, qui bouchait le passage, augmenta la confusion et l'embarras de celle de M. de Röder, qui était dans la disposition de se retirer. Les Prussiens avaient à combattre contre un nombre supérieur au leur du quadruple, et le nombre, pour cette fois, triompha de la valeur : ils perdirent, en se retirant, quatre canons et environ cinq cents hommes. Ce contre-temps obligea S. A. R. à changer de mesures. Elle fit partir M. de Canitz de Pretzschendorf avec des troupes fraîches, et il se posta à Oederan, où il n'était qu'à deux milles de l'ennemi, campé à Chemnitz. L'armée du prince Henri occupait un grand front; pour obvier aux inconvénients qui résultaient des fréquents détachements qu'il était obligé de faire, il fit travailler à fortifier tous les lieux qu'il occupait; on pratiqua des inondations à ceux qui en étaient susceptibles; on fit des abatis dans les forêts, et l'on retrancha les terrains où il n'y avait ni marais, ni ruisseau, ni bois, dont on pût tirer parti.

<198>M. de Serbelloni, las de l'inaction dans laquelle il avait langui jusqu'alors, résolut d'exécuter un projet qui devait le combler de gloire. Il commença par se faire joindre par M. de Stampach, qui avec un corps de sept mille hommes s'était tenu jusqu'alors dans la gorge de Zittau. Avec ce renfort, M. de Serbelloni partit de Dippoldiswalda, pour surprendre les troupes légères de S. A. R., qui campaient à Reichsstadt. Mais MM. de Kleist et d'Egloffstein se replièrent à son approche sur le camp de Pretzschendorf. Le bataillon de Heer,198-a nouvellement levé, perdit quelque monde en se retirant. Cette grande expédition se termina par une canonnade, qui dura toute la journée. Dès le lendemain, S. A. R. renvoya MM. de Kleist et d'Egloffstein occuper le même poste. Comme cependant ce détachement n'était ni nécessaire ni essentiel à Reichsstadt, on le retira quelques jours après.

M. de Belling, que la signature de la paix avec les Suédois avait retenu jusqu'alors dans le Mecklenbourg, ne put joindre l'armée de Saxe que le 18 de juin. Ce renfort mit S. A. R. en état de pouvoir tenter quelque entreprise contre l'armée des cercles. Il était nécessaire et même indispensable pour l'armée de Saxe qu'elle se débarrassât d'un ennemi qu'elle avait à dos, et dont le voisinage, dans de certaines conjonctures fâcheuses, pouvait devenir funeste. M. de Seydlitz fut chargé de la conduite de cette entreprise. Il se porta sur Penig; le prince de Stolberg, qui avait vingt et un bataillons et trente et un escadrons dans son armée, se replia sur Annaberg. Sa retraite de Chemnitz donna la liberté à M. de Canitz de se joindre à Zwickau à M, de Seydlitz. Les troupes des cercles quittèrent la Saxe, et perdirent beaucoup de monde en se retirant à Baireuth. Pendant ce temps, M. de Kleist agissait du côté de Marienberg, dont il délogea le colonel Torôk, qu'il rejeta en Bohême; après quoi il rejoignit l'armée.

Tandis que le prince de Stolberg se réfugiait dans le sein de l'Em<199>pire, M. de Serbelloni méditait un projet plus important encore que le précédent. Il se proposait de battre M. de Hülsen, en se glissant le long de l'Elbe pour tourner sa position. Afin de mieux cacher son dessein, il fit alarmer un matin tous les postes avancés du camp de Pretzschendorf. Une colonne de sept mille hommes se présenta sur la droite du village de Hennersdorf, faisant mine de vouloir tenter le passage de la Steinbrückmühle; une autre colonne se mit en bataille vis-à-vis de Frauenstein.

Durant ces ostentations, M. de Ried, qui commandait un détachement de douze bataillons à Bennerich, ayant été renforcé la nuit précédente par seize bataillons et par vingt-cinq compagnies de grenadiers, se forma le matin en trois corps sur les hauteurs de Bennerich. La première colonne se porta sur le village de Grumbach, dont elle délogea un bataillon franc, qui se jeta dans la redoute du Pfarrholz; mais l'ardeur des Autrichiens fut tempérée par le feu des batteries du Landsberg. La seconde colonne des ennemis s'avança vers Kobach; et la troisième, qui était celle de la droite, délogea un bataillon prussien du village de Weisdropp. Cette dernière colonne fut arrêtée par le feu de la redoute de Constappel, que défendait le bataillon de Car-lowitz. Après une résistance vigoureuse de la part des Prussiens, l'ennemi fut forcé de se retirer, et les secours que S. A. R. envoya de Pretzschendorf au Landsberg, n'arrivèrent qu'après que l'action était finie. L'ennemi se contenta de faire des attaques molles et mal soutenues; il sacrifia inutilement dans cette occasion des troupes dont il aurait pu tirer un meilleur parti, s'il avait su les conduire avec plus d'audace.

Pendant que la fortune balançait en Saxe les destins des Prussiens et des Impériaux, elle se déclara entièrement dans l'Empire en faveur des alliés et du prince Ferdinand. Les Français s'étaient bornés cette année à n'avoir qu'une armée en Allemagne, avec une réserve pour couvrir le Bas-Rhin. Cette réserve, dont le prince de Condé avait le<200> commandement, était forte de quarante-six bataillons et de trente-huit escadrons. L'armée sous les ordres de MM. de Soubise et d'Estrées consistait en cent onze bataillons et en cent vingt et un escadrons. Ces maréchaux se proposaient de pénétrer avec leurs forces dans l'électorat de Hanovre. Le projet du prince Ferdinand était tout contraire au leur, car il se préparait à chasser les Fiançais de la liesse. Il partagea d'abord son armée à l'exemple des Français : il détacha vingt bataillons et vingt et un escadrons avec le Prince héréditaire pour s'opposer au prince de Condé, et il se réserva soixante-deux bataillons, soixante et un escadrons et cinq mille hommes de troupes légères pour l'exécution de son projet.

Le prince de Condé ouvrit la campagne au Bas-Rhin. Il passa ce fleuve le 10 de juin, rassembla ses troupes à Bochum, et fit mine de vouloir se porter sur Dortmund. Tous les mouvements des Français et des alliés dans cette partie de l'Allemagne ne furent relatifs qu'au passage de la Lippe, que les deux partis se disputaient réciproquement. Pendant ces préludes, le prince Ferdinand rassembla son armée sur la hauteur de Brakel, d'où il se porta sur la Diemel, et prit le château de Sabbabourg; il occupait en même temps les bois de Geismar et de Liebenau, pour se rendre le maître des débouchés de la Diemel. L'armée française, qui s'était rassemblée à Cassel, marcha le 22 sur Grebenstein, d'où elle détacha le comte de Lusace vers Gottingue. M. Luckner fut aussitôt envoyé par le prince Ferdinand sur la Leine, pour observer les mouvements des Saxons. Le prince Ferdinand résolut sur cela d'attaquer les Français, afin de les réduire à la défensive dès le commencement de la campagne. M. Luckner fut, pour cet effet, obligé de se rapprocher de Sabbabourg avec une partie de son monde. Il fut destiné pour attaquer la droite de l'ennemi. Mylord Granby eut ordre d'entamer la gauche, et le prince Ferdinand se proposa de se présenter en même temps avec le gros de son armée devant le front des maréchaux.

<201>Dès le 24, tous les alliés passèrent la Diemel, pour former ces différentes attaques. Les Français prirent ce mouvement pour un fourrage général, et n'en marquèrent aucune inquiétude. Cependant le corps de M. de Castries, qui couvrait la droite de M. de Soubise, fut aussitôt renversé, et les alliés assaillirent le camp même. M. de Soubise, sur ce qu'il se voyait attaqué de front, en flanc et à dos, résolut la retraite. M. de Stainville se jeta avec l'élite des troupes françaises dans le bois de Wilhelmsthal, pour la favoriser, et ce fut là que s'engagea entre lui et mylord Granby un combat qui décida de la journée. Tout le corps de M. de Stainville fut enveloppé et défait. Cependant MM. de Sporcken et de Luckner donnèrent lieu, par leur inaction, à ce que le maréchal de Soubise pût se retirer à Hohenkirchen, ce qui fit manquer le coup que le prince Ferdinand méditait sur Cassel.

La nuit même, l'ennemi passa la Fulde, et assit son camp sur les hauteurs qui vont de Münden à Cassel. Les alliés se campèrent vis-à-vis des Français, et s'emparèrent, par différents détachements, de quelques châteaux qui leur étaient avantageux. Le maréchal de Soubise, qui craignit pour Ziegenhayn, y fit marcher MM. de Guerchy et de Rochambeau pour faire la navette de cette place à Melsungen, et pousser des partis sur les derrières des alliés. Le prince Ferdinand envoya contre eux mylord Granby, qui les battit auprès du château de Homberg.

A mesure que les alliés étendaient leur droite, les Français étendaient leur gauche. Cependant les deux maréchaux, s'apercevant qu'ils dégarnissaient trop leur position, rappelèrent le comte de Lusace de Gottingue, pour remplir les vides de leurs campements, et ils le placèrent avec son corps à Lutterberg. Le prince Ferdinand, observant que les Saxons étaient presque isolés dans ce poste, chargea M. de Gilsa de les y attaquer. Ce général, à la tête de seize bataillons, passa à gué la Fulde. Au commencement de l'action, les Saxons se défendirent; mais sur ce qu'ils s'aperçurent qu'une de leurs redoutes<202> était emportée, ils lâchèrent le pied et s'enfuirent à vau-de-route. Le maréchal d'Estrées survint à leur secours, et les empêcha d'être entièrement défaits. M. de Gilsa repassa prudemment la Fulde, pour ne point se compromettre avec le nombre des ennemis, qui s'augmentait et s'accroissait à chaque moment. Ces tentatives différentes firent juger au prince Ferdinand que le moyen le plus aisé et le plus sûr pour vaincre les Français était de les obliger à s'étendre davantage, et, plein de cet objet, il détacha M. Luckner du côté de Hersfeld. Ce partisan prit Fulde, Amonebourg, et nombre de petits châteaux situés sur la grande route de Cassel à Francfort. Cette expédition, promptement exécutée, fit ressentir des effets fâcheux aux maréchaux français, parce qu'elle rendit leur situation gênante à l'égard de leurs subsistances, qu'ils tiraient en grande partie du Main.

M. de Soubise se flatta de rétablir ses affaires en portant quarante bataillons sur l'Éder pour occuper le poste de Schwalm. M. de Luckner, soutenu par mylord Granby, contraignit ce corps à repasser la Fulde. Sur cela, M. de Soubise arriva lui-même; il passa l'Éder, et s'établit au Heiligenberg. Comme on ne pouvait pas attaquer les Français dans cette position, le prince Ferdinand laissa mylord Granby au Falkenberg, et se porta avec son armée au confluent de l'Éder et de la Fulde. Dans l'embarras où les généraux français se trouvèrent par cette manœuvre, ils n'imaginèrent d'autre ressource que d'attirer à eux la réserve du Bas-Rhin. Le prince de Condé, en conséquence des ordres que les maréchaux lui donnèrent, laissa M. Le Voyer avec un détachement sur la basse Lippe, et ayant inutilement tenté de prendre Hamm en marche, il traversa la Wettéravie, et déboucha, par Giessen, sur l'Ohm. Son but était de se porter sur la haute Éder, pour y reprendre le projet dans lequel M. de Soubise avait échoué. Le Prince héréditaire, qui jusqu'alors avait observé le prince de Condé, partit aussitôt que lui, et ayant laissé quelques troupes pour observer M. Le Voyer, il traversa la principauté de Waldeck et gagna<203> les bords de l'Ohm, avant que la réserve française du Bas-Rhin pût y arriver.

Pendant ces mouvements des réserves, le prince Ferdinand aurait désiré d'attaquer le maréchal de Soubise avant que le prince de Condé le pût joindre. Il se proposa d'alarmer le front de l'ennemi, et de porter toutefois ses plus grandes forces contre M. de Guerchy, qui campait au delà de la Fulde, proche de Melsungen. Le prince Frédéric de Brunswic fut détaché avec six bataillons et douze escadrons, pour faire le tour de la Werra et s'emparer de Wanfried et d'Eschwege, par où il se trouvait à dos des ennemis. On se disposa pour faire l'attaque générale le 8 d'août; mais une pluie abondante qui survint, et qui gonfla les eaux de la Fulde, empêcha que les troupes ne pussent passer les gués, ni se rendre en même temps aux points qui leur étaient marqués. Cette entreprise aboutit à une canonnade, qui dura trois jours.

Le prince de Condé, pendant ce temps-là, prit le château d'Ulrichstein; après avoir tenté le passage de l'Ohm à différentes reprises, mais toujours en vain, il essaya de pousser un détachement à Hers-feld, pour tendre de là la main aux deux maréchaux qui commandaient l'armée française. Pour seconder les desseins du prince de Condé, le maréchal de Soubise chargea M. de Stainville de bombarder le château de Friedewald; ce qui, ayant réussi, rouvrit la communication jusqu'alors interrompue de l'armée française au Main. Cette armée française était alors tellement disposée en Hesse, qu'elle formait comme un grand demi-cercle, dont l'un des bouts, passant par Marbourg et Giessen, tenait à la Lahn, et l'autre, qui enfermait Hersfeld, Melsungen, Cassel et Münden, aboutissait à la Fulde.

Le prince Ferdinand brûlait d'ardeur d'en venir à une décision; il voulait frapper un coup qui pût lui procurer la supériorité sur les Français pour le reste de la campagne. Dans cette vue, il renforça le Prince héréditaire de quinze bataillons et de vingt escadrons. Le pro<204>jet que les alliés avaient formé, était d'enlever le corps de M. de Lévis. Le Prince héréditaire y aurait réussi, si M. Luckner fût arrivé à temps; cependant peu de Français lui échappèrent. Après cette expédition, il poussa le prince de Condé des bords de l'Ohm au delà de Giessen, à un vieux retranchement des Romains qu'on appelle le Polgraben; mais cela se termina par une canonnade. Toutefois M. de Soubise, ne pouvant se soutenir plus longtemps en Hesse sans s'exposer aux plus grands hasards, évacua Göttingue, jeta quatorze bataillons dans Cassel, et se retira, par Hersfeld, sur Fulde. Le prince Ferdinand le côtoya de près; en même temps, il détacha derrière lui le prince Frédéric de Brunswic pour bloquer Cassel. Les Français reculèrent jusqu'au Main, parce que la grande armée ne pouvait autrement que par cette marche se rejoindre à la réserve du prince de Condé.

Ce prince, qui se repliait par Butzbach et Friedberg sur Francfort, était vivement talonné par le Prince héréditaire. L'armée des alliés ayant établi son camp à Schotten, sur la Nidda, le Prince héréditaire reçut des ordres pour occuper Fritzlar. Il était en marche pour Assenheim; ayant été averti par le sieur Luckner que Friedberg et les hauteurs de Nauheim étaient occupées par l'ennemi, il y marcha en hâte; il attaqua les Français, qu'il délogea de la hauteur; mais il ne tarda pas à s'apercevoir qu'au lieu de combattre avec un détachement, il avait affaire à l'avant-garde de l'armée de Soubise. Cette armée s'avance sur plusieurs colonnes; on l'attaque à son tour, il se défend vaillamment; mais ayant eu le malheur d'être dangereusement blessé, ses troupes plièrent, et ne purent plus se rallier.

Ce désastre obligea le prince Ferdinand à changer de dessein et de position. Il transporta son camp à la Horlof, vis-à-vis de Friedberg, et y resta jusqu'au 7 de septembre. Mais ayant eu vent que les Français filaient à la sourdine vers Butzbach, il jugea que pour exécuter son grand projet, qui consistait à reprendre Cassel, il devait empêcher à tout prix les ennemis d'entrer par la Haute-Hesse et le Waldeck dans<205> la partie basse de la Hesse. Pour cet effet, il se mit en marche avec l'armée, afin de gagner les hauteurs qui s'élèvent derrière l'Ohm et la Lahn. Les généraux français le harcelèrent dans sa marche, pour donner au prince de Condé le temps de passer la Lahn à Marbourg, et de gagner les hauteurs de Wetter. Cependant, malgré les pluies et les fréquentes affaires d'arrière-garde, le prince Ferdinand gagna Wetter le premier. Le prince de Condé, se voyant prévenu, évita tout engagement, et repassa la Lahn. Les alliés s'y établirent, et poussèrent leur gauche, par Kirchhayn, vers Hombourg-sur-l'Ohm. M. de Soubise, qui voulait dégager Ziegenhayn et Cassel, tenta de s'ouvrir le chemin qui mène à Ziegenhayn. Il engagea pour cet effet un combat à la Brückenmühle,205-a qui devint opiniâtre, et où il perdit beaucoup de monde, ayant été repoussé vigoureusement et à plusieurs reprises. Les deux armées demeurèrent tout le reste de la campagne dans la même position. Durant leur inaction, le prince Frédéric de Brunswic ouvrit la tranchée devant Cassel. Le siége commença le 15 d'octobre, et fut poussé jusqu'au 1er de novembre, que la ville se rendit par capitulation. Telle fut la fin glorieuse de cette campagne des alliés, où le prince Ferdinand eut occasion de déployer tous ses talents, et de prouver qu'un bon général à la tête d'une armée est de plus grande conséquence qu'une multitude de combattants.

Nous nous sommes hâté de rapporter en abrégé les opérations de l'armée des alliés, avec d'autant plus de raison, que, pour cette année, la guerre d'Allemagne s'étant éloignée des confins de la Saxe et des États du Roi, les mouvements du prince Ferdinand n'eurent aucune relation avec ceux des armées prussiennes. Nous allons reprendre à présent le fil de la campagne de Silésie, et la chaîne des événements nous conduira nécessairement en Saxe, où nous terminerons la narration des faits de cette campagne par le récit des exploits de S. A. R. le prince Henri.

<206>Vous vous rappellerez sans doute avec quel soin on avait tâché d'intimider la cavalerie impériale, et à quel point on y avait déjà réussi. C'était un des points préalables pour cette campagne : l'autre, qui était tout aussi essentiel, n'était pas négligé; car le prince de Bevern s'était déjà avancé à Troppau, d'où il poussa M. de Werner à Grätz. Ce général y fit cent cinquante prisonniers, ce qui contraignit M. de Beck à passer la Mora, et à se retirer à Freudenthal. Nous en laisserons là cette diversion, pour en venir aux Russes. Ce corps passa l'Oder le 30 de juin, et se rendit le même jour à Lissa. Le Roi avait détaché d'avance M. de Wied avec vingt-quatre bataillons au delà du ruisseau de Schweidnitz, sous prétexte de couvrir la marche des Russes, mais en effet pour avoir à l'autre bord de ce ruisseau un corps qui devenait nécessaire pour coopérer au projet qu'avait formé le Roi contre les ennemis. Ces troupes se tinrent dans des cantonnements extrêmement resserrés, pour que les Impériaux n'en pussent point prendre ombrage.

L'armée du Roi commença ses opérations le 1er de juillet. La grande armée vint se camper à Sagschütz, tandis que M. de Wied la côtoyait de nuit, et s'avançait à l'autre bord du ruisseau en cantonnements resserrés. Il n'avait rien à craindre des Autrichiens, ni ne pouvait être découvert par eux, parce que M. de Reitzenstein était devant lui avec quatre mille chevaux, et bloquait M. d'Ellrichshausen au Pitschenberg. Pour peu que le maréchal Daun s'opiniâtrât à garder son camp de Domanze, M. de Wied l'aurait tourné : il aurait passé le ruisseau de Striegau à Péterwitz, et longé le Nonnenbusch, d'où il aurait gagné le camp de Kunzendorf, qui, se trouvant à dos du maréchal Daun, l'aurait mis dans la nécessité de repasser Bögendorf, et de se rejeter dans les montagnes, soit vers Hohengiersdorf, soit vers Leutmannsdorf. Mais le maréchal Daun, trop prudent pour attendre cette extrémité, quitta, la nuit même, la montagne de Zobten et le Pitschenberg, et plaça son camp sur les montagnes entre<207> Bögendorf, Kunzendorf et le Zeiskenberg. L'armée du Roi le suivit sur le pied, et reprit son ancienne position de Bunzelwitz. Les troupes légères s'approchèrent au coup de pistolet des grand'gardes impériales. M. de Reitzenstein occupa les hauteurs de Striegau, et M. de Wied, qu'il couvrait, mit son corps en cantonnement dans cette ville et dans les villages les plus proches.

L'emplacement que le maréchal Daun avait pris, rendait son armée inattaquable par le front; on pouvait toutefois le tourner par sa droite et par sa gauche. Comme c'aurait été trop donner au hasard que de le tourner entre Silberberg et Bögendorf, parce que M. de Hadik se trouvait à Wartha, et que les montagnes de ce côté sont plus âpres et plus difficiles, on préféra de faire cette manœuvre sur sa gauche, en le prenant à revers par Hohenfriedeberg, Reichenau et l'Engelsberg. Ce projet s'exécuta de la manière suivante : M. de Zieten garnit le camp de Bunzelwitz avec la seconde ligne, et il y garda, pour contenir l'ennemi en respect, tous les cuirassiers de l'armée, qui devenaient inutiles dans les montagnes; tandis que le Roi se mit en marche le soir avec sa première ligne, et joignit MM. de Reitzenstein et de Wied, qui lui servirent d'avant-garde. Dès la pointe du jour, cette avant-garde se trouva proche de Reichenau, où elle donna sur des postes avancés de Brentano, qui furent menés grand train jusqu'au pied de l'Engelsberg, où campait leur général. Brentano avait posté son infanterie sur la cime de trois rochers couverts par un bon défilé. M. de Wied, plein d'ardeur, l'attaqua peut-être trop à la chaude; ces rochers se trouvèrent d'un si difficile abord, que les troupes ne purent les gravir. Les Prussiens firent de vains efforts; ils furent repoussés, et perdirent en morts, pris et blessés douze cents hommes. Le gros des troupes se campa à Reichenau; mais M. de Wied poursuivit sa marche par les gorges de Landeshut. Le but de cette expédition était d'enlever le grand magasin des Impériaux à Braunau. M. Brentano, qui s'en douta, abandonna<208> l'Engelsberg, et partit à tire-d'aile, pour se rendre la nuit même à Friedland.

Le maréchal Daun, privé de ce détachement, qui couvrait ses derrières, craignit d'être pris à revers par les Prussiens; et sur cela, il abandonna sa position de Kunzendorf, et se retira à Dittmannsdorf, d'où sa gauche s'étendait à Bärsdorf. Outre cela, il plaça un corps à Tannhausen, qui lui couvrait ce flanc, et un autre sur sa droite, à Burkersdorf, moyennant lequel il entretenait sa communication avec la forteresse de Schweidnitz. M. de Zieten suivit immédiatement l'ennemi, et occupa les hauteurs de Kunzendorf et de Fürstenstein. Le corps que le Roi avait mené dans les montagnes, le joignit, et se posta de Seitendorf à Bögendorf, dans le même camp que le maréchal Daun avait occupé en l'année 1760. Des détachements occupèrent les défilés de Waldenbourg et de Gottesberg, et M. de Manteuffel prit poste avec six mille hommes sur le plateau de Hohengiersdorf, au pied duquel, du côté de la vallée de Schweidnitz, on campa M. de Knobloch avec sa brigade. Pour M. de Wied, qui poursuivait sa marche, il rencontra le corps de Brentano à Friedland; il l'accueillit par une vive canonnade, après laquelle M. de Reitzenstein attaqua l'ennemi. Les dragons de Finck208-a eurent dans cette occasion l'honneur de battre trois régiments de cuirassiers impériaux, sur lesquels ils firent cent quatre-vingts prisonniers. Brentano se sauva en Bohême, et se posta entre Dittersbach et Hauptmannsdorf, dans un camp que l'ennemi avait fait fortifier d'avance pour assurer le dépôt de ses vivres.

M. de Wied fut renforcé le lendemain par quatre bataillons et trois régiments de cavalerie; mais quand même l'armée entière serait marchée contre Braunau, elle n'aurait rien pu y entreprendre, parce que ces gorges de rochers sont intraitables, qu'on les défend avec peu<209> de monde, et qu'on ne saurait les tourner. Le maréchal Daun y avait envoyé de Wartha M. de Hadik avec dix mille hommes de secours. Puisque ces montagnes, que l'ennemi tenait, le mettaient hors d'atteinte, M. de Wied dirigea sa marche sur Trautenau; de là il lâcha en Bohême tous ses Cosaques, soutenus de quelques dragons. Ces barbares se répandirent dans tout ce royaume, y semant l'épouvante. Dès le second jour de leur entrée, une de leurs troupes se présenta aux portes de Prague. La terreur que leur présence inspira, fut si terrible, que M. de Serbelloni fut sur le point de quitter la Saxe avec son armée, pour s'opposer en personne aux désordres que les Cosaques commettaient. Il est vrai que leurs procédés étaient cruels : ils saccageaient, pillaient, brûlaient les lieux qu'ils trouvaient sur leur passage.

Cette irruption n'aurait pas été infructueuse, si on avait pu la prolonger. Mais, d'une part, ces troupes indisciplinables ne s'occupaient qu'à faire du butin et à le mettre en sûreté; d'où il arrivait que, revenant par bandes, sans ordre de leur conducteur, elles sauvaient leur capture pour la vendre en Pologne, de sorte qu'au bout de huit jours la Bohême se vit délivrée sans coup férir de cette engeance détestable. On aurait pu les employer à une seconde incursion, si, d'autre part, les affaires n'avaient subitement changé de face. M. de Wied, qui couvrit leur retraite, assurait en même temps sa communication avec la grande armée. Ses détachements, distribués par échelons, gardaient les gorges des montagnes. M. de Gabelentz gardait derrière lui le défilé de Schatzlar; le prince de Bernbourg,209-a plus proche de l'armée, gardait celui de Liebau, d'où il communiquait à Conradswaldau avec M. de Salenmon,209-b qui y tenait un poste intermédiaire. Tous ces déta<210>chements avaient d'autant moins à craindre de la part des ennemis, que l'appréhension de perdre le magasin de Braunau absorbait leur attention au point que, pour plus de sûreté, ils le faisaient transporter à Scharfeneck dans le comté de Glatz.

Nous venons de voir que cette diversion des Cosaques en Bohème ne produisit aucun effet réel; il n'y avait plus de projets à former sur le magasin de Braunau, que les Impériaux transportaient ailleurs, de sorte que toute la gauche de l'ennemi ne présentait plus de champ fécond en expéditions. Comme l'objet principal de cette campagne était de reprendre Schweidnitz, le Roi se proposa d'agir sur la droite des Autrichiens, et de déposter les détachements qu'ils avaient à Bur-kersdorf et à Leutmannsdorf, pour leur couper toute communication avec Schweidnitz. Ce projet, qui avait tous les degrés de probabilité suffisants pour paraître immanquable, devint, le lendemain, incertain et presque chimérique par un de ces événements inattendus et subits qui renversent les mesures des hommes. Une révolution avait changé la face de la Russie. M. de Czernichew en donna la première nouvelle au Roi. Il vint une après-midi lui dire, la larme à l'œil, que Pierre III venait d'être détrôné par l'Impératrice son épouse; qu'il avait reçu l'ordre du sénat de faire prêter serment par son corps à sa nouvelle souveraine, et de quitter incessamment l'armée prussienne pour se retirer en Pologne. Dans la situation où le Roi se trouvait, au milieu des opérations d'une campagne dont les entreprises étaient fondées sur l'assistance des Russes, cette nouvelle lui fut un coup de foudre. Quelque cruel que fût ce coup, il fallait prendre son parti, parce que le mal était sans remède, et recourir à ses propres ressources, puisque les étrangères venaient à manquer.

Voici cependant la manière dont cette funeste révolution se fit. Il y avait longtemps qu'une certaine froideur régnait entre l'Empereur et son épouse. Elle avait pris naissance à l'occasion d'une intrigue<211> de galanterie que cette princesse avait entretenue avec un comte Po-niatowski. Cette froideur pensa devenir une rupture ouverte depuis l'avénement de Pierre au trône, à cause que l'Impératrice s'était attribué de certaines prérogatives dans les églises grecques, qui n'appartiennent qu'à la personne même du souverain. L'Empereur, jaloux de son autorité, l'apprit et en fut vivement irrité. Dans les premiers moments de son emportement, il voulut faire enfermer son épouse dans un couvent. Il s'ouvrit de ce dessein au duc de Holstein son oncle. Ce prince, d'un génie faible et borné, en dissuada l'Empereur, et lui conseilla de borner son ressentiment à une réprimande sévère qu'il ferait à l'Impératrice. Pierre III eut l'imprudence de menacer du couvent une princesse qu'il fallait y mettre sans l'avertir, ou qu'il fallait ménager davantage. L'Impératrice cacha la colère et le désir de vengeance dont elle était animée, par des dehors d'abattement et des larmes feintes. Dès ce moment, elle conçut le dessein d'usurper le trône et de se défaire de son époux.

Le gouverneur du grand-duc son fils, le comte Panin, fut le premier complice qu'elle s'associa. Ce seigneur, dont l'ambition n'avait point de bornes, voulait être le premier personnage de l'État : plein de ressentiment de ce que l'Empereur ne l'avait pas placé d'une manière plus convenable à son mérite, il envisagea cette conjuration comme un chemin qui le conduirait aux premières dignités de l'Empire, et il en embrassa le parti avec enthousiasme. M. de Panin s'ouvrit de ce dessein à la princesse Daschkoff, avec laquelle il était lié. Cette femme, d'un caractère romanesque, entra avec d'autant plus de facilité dans ses vues, qu'elle était jalouse de ce que l'Empereur lui préférait sa sœur, la comtesse de Woronzoff, dont il avait fait sa maîtresse. Cette offense imaginaire l'excita à une vengeance réelle. Elle travailla avec chaleur à grossir le parti. Elle gagna bientôt quelques officiers aux gardes, gens sans fortune, sans mérite, qui, cherchant leurs avantages particuliers dans les troubles publics, étaient pleins<212> d'activité, et capables de tout entreprendre. Ils corrompirent à leur tour quelques soldats des gardes à la sourdine.

Cependant la conjuration n'était pas encore en état d'éclore, parce que les conjurés, voulant agir à coup sûr, se proposaient d'augmenter leur nombre. Un hasard en précipita l'exécution. L'Empereur était sur son départ pour se mettre à la tête de l'armée qui devait porter la guerre en Danemark. Il se trouvait depuis quelques semaines à son château d'Oranienbaum, où il se proposait, avant de quitter la Russie, de donner quelques fêtes à la noblesse. Il avait invité l'Impératrice à un opéra suivi d'un bal paré, dont les apprêts s'étaient faits avec faste et magnificence.

Le même jour, un soldat des gardes, que les conjurés avaient tenté de corrompre, dénonça ce qu'il savait du complot à M. de Korff, gouverneur de Pétersbourg. Ce général envoya sur-le-champ ce procès-verbal à l'Empereur, qui n'en tint aucun compte. Dès que l'Impératrice fut, le soir, de retour à Péterhof, où elle avait invité l'Empereur le lendemain pour une fête, elle y trouva la princesse Daschkoff, qui lui apprit que leur secret était découvert, en y ajoutant : « Madame, il n'y a point de temps à perdre. Ou il faut monter sur le trône, ou sur l'échafaud. » L'alternative était violente. L'Impératrice ne balança pas dans ce choix. Elle partit sur-le-champ incognito pour Pétersbourg, où elle se rendit aux casernes des gardes. Tous ceux qui étaient de la conjuration, officiers et soldats, se rangèrent autour d'elle. Elle convoqua aussitôt les autres soldats, qui s'assemblèrent sur une place près de l'église de Kasan. Là, fondant en larmes, elle leur dit que l'Empereur, la rejetant, elle et son fils, voulait l'enfermer dans un couvent, pour épouser celle avec laquelle il vivait en adultère; qu'étant étrangère et sans appui, elle implorait leur protection pour une mère désolée et pour un enfant opprimé qui se jetait entre leurs bras. Puis, poursuivant, elle ajouta : « Soldats, notre cause est la même : il s'agit non seulement de m'enfermer, mais aussi de casser<213> et disperser tous ces braves gens qui m'environnent. On veut les remplacer par des étrangers, par des Holsteinois, dont l'Empereur est sans cesse entouré, qu'il vous préfère, à qui il se confie, et, que dis-je? qui sont déjà réellement ses gardes. Soldats, prenez-y garde, ou vous perdez vos droits, vos honneurs et vos prérogatives, que le grand Pierre, connaisseur du mérite et de la valeur, vous avait accordés. Mais cela n'en restera pas là. Je prévois des changements plus funestes encore : bientôt vous serez forcés d'abandonner vos autels et votre culte; on vous forcera d'adopter une religion nouvelle et étrangère, et vous serez entraînés avec violence, pour remplir cette nouvelle église que l'Empereur fait dédier exprès pour qu'elle devienne le sanctuaire de ce culte profane et des nouvelles opinions. Mes amis, il n'y a point de temps à perdre. Joignez-vous incessamment à vos compagnons; sauvez votre Impératrice, son fils, vos priviléges, et la religion que vous avez reçue de vos ancêtres, afin que cet empire florissant ne vous reproche pas de l'avoir abandonné, et que l'on ne puisse pas dire que c'est en vain que j'ai imploré votre assistance. »

Cette harangue fut appuyée par des largesses répandues avec libéralité et profusion, et par l'eau-de-vie qu'on distribua aux troupes en abondance. Cet arrangement, le plus à la portée d'un peuple grossier et féroce, fut le plus persuasif. Toutefois les gardes Preobrashenskii commencèrent à murmurer. Mais les clameurs de la multitude, sur laquelle l'eau-de-vie commençait d'agir, entraîna les autres. Tous prêtèrent le serment de fidélité à l'Impératrice, après quoi ils la proclamèrent souveraine de toutes les Russies.

Cette scène, qui se passait à Pétersbourg, était encore ignorée à Oranienbaum. L'Empereur, qui ne se doutait de rien, se mit en route le lendemain pour jouir de la fête que l'Impératrice lui préparait à Péterhof. Mais quelle fut sa surprise de n'y point trouver son épouse, et de ne pouvoir apprendre par aucun des domestiques de la cour ce<214> que cette princesse était devenue! Bientôt le bruit de la révolution commença à se répandre. Cependant le mal n'était pas sans remède. Le maréchal de Münnich, qui se trouva auprès de l'Empereur, lui conseilla de se décider promptement; qu'il n'y avait point de temps à perdre en délibérations, mais qu'il fallait agir avec promptitude et résolution. « Vous n'avez que deux partis à prendre, lui dit ce vieillard vénérable. Mettez-vous à la tête des soldats russes et holsteinois qui gardent votre personne. Marchons avec eux droit à Pétersbourg. Je sacrifierai le peu de sang qui me reste, pour vous rétablir sur le trône. Croyez-vous que des rebelles tiendront contre leur maître légitime qui s'avance contre eux? Le crime est timide. Nous les disperserons sans peine, et vous triompherez des usurpateurs. Mais si ce parti vous paraît trop hasardeux, partez sans délai pour Kronschlot, allez avec votre flotte en Prusse, rassemblez-y votre armée, et revenez à sa tête punir des conjurés et des rebelles qui méritent les derniers châtiments. »

Tout sages qu'étaient ces conseils, ils ne furent point suivis. L'Empereur, qui ne s'était jamais trouvé dans le cas de prendre des résolutions hardies, fut surpris et consterné de l'événement qui le menaçait. Il changea sans cesse d'avis, et ne put se déterminer à rien. Il fallait fuir ou combattre. Il eut la faiblesse de vouloir négocier : il perdit le temps, et avec le temps l'espérance. Le lendemain, ce prince suivit, mais trop tard, un des avis que le maréchal Münnich lui avait donnés. Il s'embarqua avec sa cour pour Kronschlot. Le gouverneur, que les conjurés avaient eu le temps de mettre dans leur intérêt, menaça de tirer sur la barque de l'Empereur, s'il approchait davantage. Ce malheureux prince se vit obligé de retourner à Péterhof, où ses affaires furent sans ressource. L'Impératrice vint l'assiéger. Elle était à cheval à la tête des gardes, suivie d'une nombreuse artillerie. Elle envoya à son époux infortuné un acte d'abdication qu'on le força de signer. On prétend qu'il y eut une entrevue entre l'Impératrice et<215> lui, dont cependant tout le monde ignore les circonstances. Ce qu'il y a de constaté, c'est que l'Empereur fut conduit à une terre du comte de Rasumoffsky; qu'un des conjurés, nommé Orloff, lui donna du poison, et sur ce que ce barbare s'aperçut que l'Empereur faisait des efforts pour le rendre, il l'étouffa entre deux matelas. Telle fut la fin tragique de ce prince, qui, ayant les vertus d'un citoyen, manqua de quelques qualités qu'on exige des monarques.

La perte de Pierre III fut un coup douloureux et sensible pour le Roi, qui estimait son admirable caractère, et qui l'aimait d'un cœur pénétré de reconnaissance. Sa fin causa d'autant plus de regrets, qu'ayant fait du bien à tout le monde, il n'avait pas mérité un sort aussi déplorable. On ne devait pas se flatter, d'ailleurs, de retrouver dans l'Impératrice des sentiments aussi favorables que l'avaient été ceux de son époux; bien loin de là, les nouvelles qui venaient de la Prusse ou de la Poméranie, annonçaient toutes que les troupes russes se préparaient à recommencer les hostilités. Il parut un ukase, ou édit, dans lequel le Roi était traité d'ennemi héréditaire et irréconciliable de la Russie. Déjà les commissaires de l'Impératrice s'étaient saisis derechef des revenus de la Prusse royale; enfin toutes les apparences annonçaient qu'on était à la veille d'une nouvelle rupture; mais, comme il arrive souvent, ces apparences se trouvèrent trompeuses. Les démarches de l'Impératrice roulaient sur de fausses suppositions : elle appréhendait que le Roi, en apprenant la détention de Pierre III, n'obligeât le corps de Czernichew à se déclarer pour l'Empereur, ou qu'en cas de refus, il ne le désarmât. Pour ne point être prise au dépourvu, l'Impératrice se saisit de la Prusse pour lui être garante de la conduite du Roi; elle donna en même temps des ordres à ses généraux de se tenir prêts à recommencer les hostilités aussitôt qu'elle le jugerait à propos. Voici en quoi ses suppositions étaient fausses. Si le Roi s'était déclaré pour l'Empereur, lorsque sa plus cruelle ennemie le tenait en prison, il hâtait sa mort; mais ce qu'il<216> y avait de plus fort que cela, c'est que le crime était consommé, et que ce prince, ayant perdu la vie, n'était plus secourable. Le Roi ne s'opposa point au départ de M. de Czernichew : la seule complaisance qu'il exigea de lui, fut de le différer de trois jours; à quoi ce général se prêta de bonne grâce.

Ces trois jours étaient précieux; il fallait les mettre à profit pour frapper quelque coup décisif. La présence des Russes en imposait aux Autrichiens, et ils ignoraient encore la révolution qui venait d'arriver; il fallait reprendre Schweidnitz, ou se résoudre à prendre des quartiers le long de l'Oder, comme l'année passée. Si cette campagne s'écoulait infructueusement, les efforts qu'on venait de faire pour reconquérir la moitié de la Silésie, se trouvaient perdus, et les apparences de la paix s'évanouissaient entièrement. Ces raisons déterminèrent le Roi de donner quelque chose au hasard, et d'agir avec plus de témérité et d'audace qu'il n'aurait fait dans des conjonctures plus favorables.

L'entreprise que les Prussiens pouvaient former, roulait sur l'attaque de deux postes redoutables et difficiles. Celui de Burkersdorf défend la gorge qui, par les montagnes, vient de Königsberg et verse à Ohmsdorf à la plaine. Des deux côtés de ce défilé s'élèvent des monts âpres et escarpés, fortifiés par des redoutes casematées, palissadées, et entourées d'abatis; trois des plus voisines de Hohengiersdorf communiquaient par un retranchement qui les joignait; de là reprenait un autre retranchement, qui fermait le fond de la gorge, et allait, en remontant, aboutir au sommet d'une montagne située du côté de Leutmannsdorf. M. d'Okelly défendait ces ouvrages avec quatre mille hommes. Le poste de Leutmannsdorf, quoique moins fortifié par l'art, présente un front de difficile abord, plein et entrecoupé de ravins et de chemins creux, et fournissant tous les obstacles que la nature brute peut produire dans un terrain pour sa défense. Ce poste était également défendu par quatre mille Autrichiens.

<217>Pour mettre l'armée en état d'attaquer ces postes, il fallut faire premièrement un revirement de toutes les troupes. M. de Gabelentz prit le camp de Trautliebersdorf, pour masquer le départ de la Bohême de M. de Wied. M. de Möllendorff quitta le camp de Seitendorf, et suivit la route de M. de Wied. Tous deux descendirent des montagnes dans la plaine à Freybourg; ils firent le tour de Schweidnitz, qui était bloqué par la cavalerie du Roi. M. de Wied se rendit de nuit à Faulbrück, où il cantonna ses troupes. Il était couvert par M. de Röell, que le Roi, durant toute la campagne, avait placé avec mille chevaux dans cette partie pour observer l'ennemi, de sorte que les Autrichiens n'eurent aucun indice qui leur dénotât l'approche des Prussiens. Pour M. de Möllendorff, qui passa, la nuit, par Bunzelwitz et Kreissau, il se porta le lendemain matin sur la gauche de Polnisch-Weistritz, tandis que M. de Knobloch, qui venait avec sa brigade et dix escadrons du pied des montagnes de Hohengiersdorf, se porta sur la droite du village. Par la jonction de ces deux généraux, le Roi coupait au corps de Burkersdorf, et par conséquent à l'armée autrichienne, sa communication avec Schweidnitz. Le corps de M. de Wied était destiné à l'attaque de Leutmannsdorf; ceux de MM. de Knobloch et de Möllendorff, à celle de Burkersdorf.

Afin de ne rien omettre des mesures qui furent prises pour cette entreprise, nous remarquerons que M. de Manteuffel avait été posté d'avance sur le plateau de Hohengiersdorf, où les fortes batteries qu'on y avait établies, servaient à prendre à revers les retranchements les plus voisins de ce poste, occupé par M. d'Okelly. Pour plus de sûreté encore, on avait détaché le prince de Würtemberg avec vingt escadrons, pour observer durant l'action les postes des Autrichiens de Silberberg et de Wartha, et pour que de là l'ennemi ne pût point prendre à dos M. de Wied, durant qu'il attaquerait les Autrichiens à Leutmannsdorf. Le maréchal Daun méritait encore une attention : il fallait le contenir durant l'attaque, pour l'empêcher d'envoyer des<218> secours aux postes qu'on attaquait. A cette fin, M. de Gabelentz fut chargé de faire quelques démonstrations vers Braunau, pour attirer sur lui l'attention de l'ennemi. M. de Ramin eut ordre d'escarmoucher avec les postes des Impériaux vers Tannhausen. La grande armée devait détendre ses tentes et se mettre en ordre de bataille, et il fut commis à M. de Manteuffel de faire harceler les pandours qui étaient entre son camp et la droite des Autrichiens. Ces diverses attentions qu'on donna au maréchal Daun, l'empêchant de pénétrer le projet des Prussiens, leur donnèrent celui d'exécuter leur dessein.

A l'égard des attaques mêmes, il fallait que celle de M. de Wied précédât celle de M. de Möllendorff, parce que ce général, en tournant la position de Burkersdorf, devait nécessairement prêter le flanc aux Autrichiens postés à Leutmannsdorf, et que, si M. de Wied avait le malheur d'être repoussé, le corps de M. de Möllendorff serait exposé à être ruiné entièrement.

La nuit du 20 au 21, M. de Möllendorff s'empara du château d'Ohmsdorf, où il fit prisonniers cinquante soldats ennemis. On avait besoin de ce château pour s'approcher de plus près du pied des montagnes, où l'on ouvrit le soir même la tranchée; on y construisit des batteries pour quarante obusiers et pour douze canons de douze livres. Les obusiers devaient servir à bombarder les redoutes, et les canons, à enfiler la gorge par laquelle M. d'Okelly aurait pu recevoir des secours de l'armée impériale. Ce général se croyait dans un poste inattaquable; il était dans la plus grande sécurité : il n'attribua les mouvements des Prussiens qu'au dessein d'assiéger Schweidnitz, et il envisageait toutes leurs démarches comme des préparatifs à cette entreprise.

Le 21, dès la pointe du jour, M. de Wied se logea sur un monticule vis-à-vis et proche du poste de Leutmannsdorf; il y établit une batterie de trente grosses pièces de canon, soutenue par une ligne<219> de quatorze bataillons. Sous la protection de ce feu, M. de Lottum219-a avec sa brigade se glissa par la droite dans un chemin creux qui le menait à dos de l'ennemi. Ce mouvement fut secondé par une manœuvre semblable qui se fit à la gauche. Le prince de Bernbourg couvrit sa marche de ravins et de broussailles, et se porta sur le flanc droit des Impériaux. L'ennemi, pris à dos et en flanc par les Prussiens, ne leur opposa qu'une faible résistance; M. de Wied s'avança en même temps sur leur front, et le retranchement fut emporté du premier coup de collier. Les vainqueurs poussèrent de là les vaincus tout de suite jusqu'à Heinrichau, Heidelberg et Hausdorf. Brentano, que le maréchal Daun avait cependant envoyé au secours de ce poste, malgré toutes les jalousies qu'on lui avait données, Brentano, dis-je, arriva trop tard, et fut entraîné dans la fuite par ceux des Autrichiens qui venaient d'être battus à Leutmannsdorf.

Dès que M. de Wied fut maître des hauteurs, les batteries prussiennes d'Ohmsdorf commencèrent à tirer sur l'ennemi; quinze cents chevaux que M. d'Okelly avait placés devant son infanterie, dans un fond, et qui, ne s'attendant à rien moins qu'à être attaqués, avaient mis pied à terre, se trouvant inopinément foudroyés et bombardés par des batteries qui leur étaient dérobées à la vue, se culbutèrent sur leur propre infanterie, la mirent en confusion, et l'entraînèrent pêle-mêle avec eux jusque vers l'armée du maréchal Daun. Par la fuite de ces troupes, les redoutes de ce poste ne restèrent que faiblement garnies. Aussitôt M. de Möllendorff se jeta par sa gauche dans le bois qui communique avec ceux de Leutmannsdorf, et tournant M. d'Okelly par les montagnes, il délogea l'ennemi après une médiocre résistance. L'infanterie prussienne mit le feu aux palissades<220> d'une redoute où les Autrichiens tenaient encore, ce qui les contraignit enfin de l'abandonner. Cependant M. d'Okelly se soutenait, indépendamment de cette attaque, sur le plateau qui est à la droite du chemin de Polnisch-Weistritz à Königsberg. Pour l'obliger à quitter encore ce reste de sa position, M. de Möllendorff établit une batterie sur la montagne qu'il avait emportée, et l'on approcha les quarante obusiers du pied de la montagne dont on n'avait pas délogé l'ennemi; M. de Manteuffel prit en même temps à revers ces retranchements, qui étaient voisins de son poste de Hohengiersdorf. Ces canonnades par devant, par derrière et en flanc contraignirent enfin l'ennemi à se retirer. Toutes ces différentes attaques valurent deux mille prisonniers aux Prussiens. La garnison de Schweidnitz fit à la vérité une sortie durant l'action; mais la cavalerie qu'on lui opposa, et quelques volées de canon qu'on lui tira en même temps, la firent rentrer dans la place avec quelque précipitation.

Par la manœuvre qu'on venait d'exécuter, M. de Wied, qui se trouvait proche de Heidelberg, coupait en quelque manière l'armée impériale du comté de Glatz. Le maréchal Daun, convaincu de la nécessité où il se trouvait de changer de position, décampa le soir même; il appuya sa droite sur la Eule, la plus haute montagne des environs, d'où son front de bataille s'étendait, par Wüstenwaltersdorf et Tannhausen, à Jauernick. La réserve de l'armée, sous les ordres de M. Loudon, couvrit la gauche de cette armée, et prit sa position entre Wüstengiersdorf et Braunau.

M. de Wied prit un camp vis-à-vis de la droite des Impériaux, et occupa cette chaîne de montagnes qui va de Taschendorf à Heidelberg. M. de Manteuffel fut poussé avec son corps à Bärsdorf, où il joignait M. de Wied par sa gauche, et M. de Ramin par sa droite. Ce dernier continua avec sa brigade à demeurer immobile sur la montagne de Seitendorf. Outre ces divers camps, l'armée continuait d'avoir des postes à Gottesberg, à Waldenbourg; et M. de Salenmon,<221> qui avait un poste d'avertissement, occupait les gorges de Landeshut, pour observer les mouvements que l'ennemi pourrait faire dans cette partie. Tous ces corps, quoique campés sur des hauteurs escarpées, eurent ordre de se retrancher : on remua la terre, on palissada les ouvrages, on fit des abatis dans les lieux convenables, enfin on s'établit si solidement, qu'aucun de ces corps qui occupaient les montagnes, n'eût à craindre ni attaque ni surprise de la part de l'ennemi. Ces précautions, superflues en d'autres circonstances, étaient nécessaires alors, parce que le Roi était obligé de s'affaiblir de vingt-quatre bataillons pour entreprendre le siége de Schweidnitz, et qu'il fallait se préparer à se voir dans le cas de faire de fréquents détachements, qui n'auraient pu se tirer qu'avec risque de l'armée, si sa position n'avait pas été rendue inattaquable. Ce qu'il y eut de singulier pendant cette opération, fut que, le même jour que le maréchal Daun quitta son camp de Dittmannsdorf pour se poster sur la Eule et à Wüstenwaltersdorf, les Russes quittèrent les Prussiens et partirent pour la Pologne, sans que les Impériaux eussent la moindre nouvelle de leur séparation.

Cependant les vingt-quatre bataillons et les trente escadrons destinés pour le siége de Schweidnitz s'assemblaient au pied des hauteurs de Kunzendorf. On envoya au prince de Würtemberg, qui était encore au Kleutschberg, la plus grande partie de la cavalerie, dont on ne pouvait tirer parti ni dans les montagnes ni pour le siége, et l'on fit des préparatifs sérieux pour attaquer une place défendue par une garnison de onze mille hommes et un des premiers ingénieurs de l'Europe. La diversion dont on s'était flatté de la part du Tartare, n'était plus à espérer. Le kan de la Crimée se promenait à la vérité avec cinq ou six mille hommes sur les frontières de la Pologne; mais tant de changements subits arrivés en Russie avaient tellement désorienté Tartares et Turcs, qu'ils ne pouvaient pas se décider sur le parti qu'ils avaient à prendre. Ces motifs achevèrent de déter<222>miner le Roi à rappeler le prince de Bevern de la Moravie, où il était encore.

Pour être en quelque manière sûr de la prise de Schweidnitz, il fallait que tout concourût à ce but. Le Roi n'avait pas un homme de trop pour entreprendre ce projet, et dès que cette entreprise se trouverait terminée, il était maître d'employer ses troupes ailleurs. Pour se persuader de la nécessité de cette réunion de l'armée, il n'y a qu'à compter le nombre des différents corps auxquels l'armée prussienne devait s'opposer. Nous trouvons l'armée du maréchal Daun, et les corps de Loudon, de Hadik, de Brentano, de Beck, d'Ellrichshausen, outre les détachements de Silberberg et de Wartha. Tout cela faisait ensemble soixante-dix mille combattants. Quoique l'armée du Roi ne fût guère plus faible, il fallait toutefois en décompter les troupes destinées au siége de Schweidnitz, et surtout réfléchir à l'étendue de terrain, infiniment plus grande que celle de l'ennemi, que les Prussiens occupaient. Le Roi était d'ailleurs obligé de s'attendre aux efforts que les Impériaux feraient pour délivrer Schweidnitz, auxquels il fallait être en état de s'opposer avec promptitude. Ainsi, nonobstant que M. de Werner eût remporté nombre d'avantages sur M. de Beek en Moravie, il fut obligé de se retirer, et joignit le prince de Würtemberg le 1er d'août, dans le camp de Péterswaldau. Le prince de Bevern, qui le suivait, arriva en même temps à Neisse, d'où il couvrit le convoi des munitions de guerre qu'on assemblait pour le siége de Schweidnitz.

M. de Tauentzien, à qui la direction de ce siége fut confiée, partit alors avec un convoi pareil de Breslau pour se rendre aux environs de cette place. Il investit la ville le 4 d'août; la tranchée s'ouvrit le 7 : elle prenait de la briqueterie, et tournait vers Würben pour embrasser le polygone de Jauernick, sur lequel se dirigeait l'attaque. Le même jour, le commandant fit une sortie, mais qui ne répondit pas à son attente. M. de Reitzenstein donna avec ses dragons sur cette in<223>fanterie, et la reconduisit jusqu'aux barrières de la place. Le Roi fut dès lors de l'opinion que si le maréchal Daun tentait de secourir cette forteresse, il déboucherait sûrement par Silberberg, Wartha et Lan-genbielau. C'était la voie la plus commode; il aurait essuyé toutes sortes d'inconvénients en prenant le chemin de Landeshut. Il avait retiré son magasin de Braunau, ce qui lui rendait les transports de ses vivres difficiles dans cette partie. Cette route est la plus détournée, ce qui donnait au Roi la facilité de le prévenir. Enfin, en débouchant par Silberberg, il couvrait en même temps Glatz, pouvait faire usage des détachements qui occupaient les gorges, et était toujours sûr de sa retraite, parce qu'il avait deux postes bien fortifiés à dos. Convaincu par l'évidence de ce raisonnement, le Roi transporta son quartier général à Péterswaldau; il fut joint par la brigade de Möllendorff.

Le camp que le Roi prit,223-a touchait, pour ainsi dire, à la gauche de M. de Wied. La brigade de Nimschoffsky fut placée sur une montagne des gorges de Steinseifersdorf, par où elle couvrait la brigade de Knobloch, qui faisait l'extrémité du camp de Taschendorf. L'infanterie du Roi s'étendait derrière le ravin de Péterswaldau, et sa cavalerie occupait le terrain qui, devant Peiskersdorf, va vers Faulbrück. Le prince de Bevern arriva le lendemain de Neisse par une marche forcée, et son camp lui fut assigné au delà de Reichenbach, sur les hauteurs de Mittel-Peilau, vers Gnadenfrey.

La position de cette petite armée faisait comme un angle, dont une ligne, descendant de Steinseifersdorf, se prolongeait sur la direction de Reichenbach, d'où l'autre, reprenant par les collines de Peilau, allait aboutir à un escarpement assez considérable; la ville de Reichenbach, située entre ces deux camps, faisait précisément la pointe de l'angle. Cette position avait tous les avantages qu'on pouvait désirer : elle couvrait M. de Wied par le camp de Péterswaldau, que, sans cette précaution, l'ennemi aurait pu tourner; et le corps du<224> prince de Bevern empêchait les Autrichiens, en débouchant des montagnes, de se portera la montagne de Zobten, d'où ils pouvaient soutenir Schweidnitz, et par conséquent faire lever le siége de la ville; de sorte que l'ennemi, de ce côté-là, était réduit, ou à faire un détour par Nimptsch, ce qui donnait aux Prussiens le temps de le prévenir à Koltschen, ou à attaquer le poste de Peilau, qui était bon, et où le prince de Bevern pouvait se soutenir avec honneur. D'ailleurs, en supposant que les Impériaux eussent pris la route de Landeshut pour secourir Schweidnitz, ils ne pouvaient descendre dans la plaine qu'après deux grandes marches; au lieu que les troupes du Roi pouvaient se transporter en six heures de Péterswaldau à Freybourg, où l'on avait préparé un camp pour couvrir, en cas de besoin, le siége de Schweidnitz de ce côté. Si le Roi n'occupa point les hauteurs du Hutberg et du Kleutschberg, c'est que ces terrains ne répondaient pas à ses deux objets principaux, savoir, de couvrir le flanc de M. de Wied et le siége. Le Hutberg et le Kleutschberg sont devant la gorge de Bielau, où l'ennemi avait un poste fortifié, et qui, tenant à la Eule, lui donnait la facilité d'en déboucher avec toute l'armée derrière la position qu'on aurait prise, ce qui pouvait amener les suites les plus fâcheuses. Comme, d'ailleurs, ces collines se trouvaient trop éloignées de la position des troupes prussiennes pour leur nuire, il était bien certain que les Autrichiens, en les occupant, n'y pouvaient trouver aucune sorte d'avantage.

A peine le prince de Bevern eut-il joint le corps du Roi, que M. de Beck, qui le suivait en l'observant, parut sur le Kleutschberg; il ne trouva pas cependant à propos d'y séjourner longtemps, et il se retira à Silberberg. Les hussards de Mohring donnèrent sur son arrière-garde, et lui enlevèrent un lieutenant-colonel, quelque monde, et du bagage. Nous avons déjà dit que les Autrichiens avaient un poste retranché clans la gorge des montagnes qui s'ouvre au village de Lan-genbielau. Ce village, dont les Prussiens occupaient les deux tiers,<225> était garni par les volontaires de Hordt, et servait de poste d'avertissement; on avait poussé, au delà, des détachements de hussards sur le Hutberg et le Spitzberg. On prévoyait cependant que l'ennemi, en débouchant des montagnes, choisirait cet emplacement pour son camp, et comme on avait résolu de le lui abandonner, on n'y avait placé que de légers détachements, préparés à se retirer au premier signal.

Tout ce qu'on avait prévu arriva pour cette fois. Le 16 d'août, le maréchal Daun déboucha dans ces vallées sur différentes colonnes. Son avant-garde escarmoucha avec le détachement de Langenbielau, qui se retira en bon ordre sur l'armée du Roi. Le maréchal Daun, à la tête de quarante bataillons et d'autant d'escadrons, prit son camp, qu'il étendit depuis le Hutberg jusque vers Heidersdorf. M. Beck occupa en même temps le Kleutschberg avec douze bataillons et vingt escadrons. Comme les Impériaux avaient considérablement dégarni leurs postes des montagnes pour rassembler cette armée, on ne courait aucun risque en en faisant autant, de sorte que le Roi attira à lui les brigades de Ramin et de Saldern,225-a avec lesquelles son corps, y compris celui du prince de Bevern, faisait vingt-huit bataillons et quatre-vingts escadrons; cependant la vérité du fait exige que nous ajoutions que ces deux brigades n'arrivèrent, le soir, qu'après la fin de l'action.

Le Roi avait fait d'avance ses dispositions pour la défense réciproque de ces deux camps; il était convenu avec le prince de Bevern qu'ils se porteraient mutuellement du secours. On avait élargi les chemins et préparé les communications : la disposition portait que celui des deux corps qui serait assailli par l'ennemi, se bornerait à la simple défense de son camp, tandis que l'autre volerait à son secours, et agirait offensivement. Le terrain se prêtait à merveille à cette manœuvre : car, en supposant que le corps de Péterswaldau fût attaqué,<226> le prince de Bevern se portait naturellement sur le flanc droit et à dos de l'ennemi; et au cas que le corps de Peilau fût assailli, le Roi faisait une manœuvre pareille avec ses troupes sur la gauche des Impériaux. Vers le midi, on s'aperçut que le dessein du maréchal Daun était d'attaquer le prince de Bevern. Toutes ses forces se portaient sur la droite, vis-à-vis du camp de Peilau; au lieu que s'il eût voulu s'engager avec le corps de Péterswaldau, il devait renforcer sa gauche, et s'étendre aux gorges des montagnes. Il n'y avait point d'infanterie dans cette partie-là. Tout ce qui se présentait vers la droite du Roi, ne consistait qu'en quelques escadrons de hussards, qui ne pouvaient attirer aucune attention sur eux.

Le Roi, qui était certain qu'on aurait ce jour même ou la nuit suivante une affaire avec l'ennemi, tenait son infanterie sous les armes, sa cavalerie sellée et bridée, et son artillerie légère près de cette cavalerie. Il alla faire une reconnaissance à ses postes avancés; à peine y fut-il, qu'on vit détendre les tentes du prince de Bevern, et qu'on entendit son canon. Le major Owstien, qui se trouvait sous la main avec un détachement de cinq cents hussards, fut envoyé incessamment pour joindre le corps de Peilau, et le prince de Würtemberg se mit à la tête de cinq régiments de cavalerie avec la brigade d'artillerie légère. M. de Möllendorff eut ordre d'y marcher avec sa brigade. Le Roi prit le régiment de Werner avec lui, pour arriver plus promptement sur le champ de bataille. M. de Zieten prit, en attendant, le commandement du corps de Péterswaldau, pour empêcher que malheur n'arrivât de ce côté.

Lorsque le Roi eut passé Reichenbach, il découvrit toute la disposition dans laquelle les ennemis attaquaient le prince de Bevern. M. de Lacy avait dépassé le village de Peilau avec six bataillons, qu'il tenait couverts derrière une colline sur laquelle il avait établi une batterie de vingt pièces de canon. Dix autres bataillons se présentaient du côté de Gnadenfrey; ils avaient pareillement formé une<227> grande batterie devant eux. Leur dessein était d'attirer sur eux l'attention du prince de Bevern, pour qu'il ne s'aperçût pas de la manœuvre de M. de Beck, qui se glissait par les bois pour lui tomber à dos. M. O'Donnell avait débouché en même temps avec quarante-six escadrons du village de Peilau, pour couvrir le flanc gauche de M. de Lacy. La cavalerie de Lentulus, qui était du corps du prince de Bevern, et les hussards d'Owstien avaient déjà rejeté à trois reprises les cuirassiers impériaux dans ce village. Sur ces entrefaites arriva le prince de Würtemberg; il se forma incontinent sur le flanc de l'ennemi. M. O'Donnell n'avait aucune bonne position à prendre. S'il faisait front au prince de Bevern, il prêtait le flanc au prince de Würtemberg; et s'il faisait face au corps de ce prince, il donnait à M. Lentulus prise sur sa droite, et de plus il avait à dos le feu du canon du prince de Bevern. Dans cet embarras qui agitait M. O'Donnell et que ses cuirassiers ressentaient, il reçut une bordée de quinze pièces de six livres de l'artillerie légère, dont on avait formé une batterie à la hâte. Cela acheva de répandre la confusion parmi son monde. Le régiment de Werner, soutenu de celui de Czettritz, chargea en même temps cette cavalerie impériale, et après un choc vigoureux, il la rejeta au delà du village de Peilau. La fuite de cette cavalerie dégarnissait le flanc de M. de Lacy, qui craignit pour son infanterie, et se hâta de faire sa retraite. M. de Beck, qui s'était déjà engagé avec le prince de Bevern, quitta prise. La brigade de M. de Möllendorff arriva, mais trop tard, car l'ennemi se retirait déjà de tous côtés.

Cette affaire coûta quinze cents cavaliers aux Autrichiens; les Prussiens n'y perdirent que quatre cents hommes du régiment du margrave Henri,227-a qui se signala dans cette action, ayant lui seul fait<228> tête à tout le corps de M. de Beck. Le maréchal Daun, mécontent d'avoir manqué son coup, ne jugea pas à propos de demeurer plus longtemps sur le Hutberg; craignant peut-être pour ses postes des montagnes, qu'il avait dégarnis, il se retira le lendemain au soir, par Wartha et Glatz, à Scharfeneck, où il demeura jusqu'à la fin de la campagne sans donner aucun signe de vie.

Le Roi suivit les Autrichiens : mais comme ce pays montueux et rempli de défilés et de ruisseaux n'est guère propre pour les poursuites, on ne leur fit aucun mal dans leur retraite; on se contenta de pousser M. de Werner à Habendorf pour observer de là les postes de Silberberg et de Wartha. Tous ces mouvements des troupes avaient nui au siége de Schweidnitz, qui n'était pas aussi avancé qu'il aurait dû l'être. M. de Guasco, qui en était gouverneur, commençait néanmoins à mal augurer de sa défense depuis l'échec que le maréchal Daun venait de recevoir; il fit, pour cette raison, une tentative pour obtenir une bonne capitulation et la sortie libre de sa garnison. Durant que cette négociation s'entamait, M. Loudon faisait adroitement tomber entre les mains des Prussiens des émissaires chargés de lettres pour le gouverneur, qui contenaient toutes de grands projets que l'armée impériale voulait exécuter pour sa délivrance. Mais quelque envie que le Roi eût de prendre cette ville promptement, deux raisons l'empêchaient de consentir à la capitulation que M. de Guasco lui offrait. La première raison venait de ce que M. Loudon avait écrit, l'année précédente, en termes positifs au margrave Charles, chargé de la correspondance de l'armée, touchant l'exécution du cartel, que sa cour se croyait dispensée de tenir sa parole et de remplir ses engagements vis-à-vis du roi de Prusse, tant pour l'échange des prisonniers que pour quelque objet que ce fût. On fit valoir cette réponse à M. de Guasco, et on lui répondit que la parole qu'il offrait pour lui et pour sa garnison, de ne point servir d'une année contre les troupes du Roi, ne pouvait point être acceptée, après la déclaration formelle<229> de la cour de Vienne contenue dans la lettre impertinente de M. Loudon. La raison la plus solide, et qu'on dissimulait, était que c'aurait été commettre une faute capitale que de laisser sortir dix mille hommes d'une place qu'on allait prendre en se donnant un peu de patience, parce que, si l'on rendait cette garnison aux Impériaux, leur armée se trouverait de dix mille hommes plus forte, et celle du Roi, affaiblie au moins par quatre mille hommes qu'il fallait mettre en garnison dans cette place; ce qui rendait en tout l'armée prussienne de quatorze mille hommes inférieure à celle de l'ennemi. On rompit cette négociation, et le siége continua d'aller son train ordinaire.

Le Roi s'y rendit en personne le 20 de septembre, pour que les opérations se poussassent avec plus de vigueur. Lefebvre faisait de la part des Prussiens les fonctions d'ingénieur en chef; il avait en tête un des premiers ingénieurs du temps, nommé Gribeauval, qui défendait la place. Lefebvre voulut crever les mines des assiégés, en faisant usage de la nouvelle invention du globe de compression. Gribeauval lui en éventa deux; cela lui fit perdre la tramontane, et le Roi fut obligé de se mêler du détail du siége et de la direction des travaux. On prolongea aussitôt la troisième parallèle; on y plaça une batterie à brèche; on établit des ricochets à la tuilerie; l'on fit encore une autre batterie sur le Kuhberg, qui battait les ouvrages attaqués à revers; on fit sauter quelques rameaux des mines des assiégés. La garnison fit deux sorties, et délogea les Prussiens d'un entonnoir couronné d'où ils voulaient déboucher par de nouveaux rameaux. Ces chicanes prolongèrent la durée du siége, parce qu'il fallait faire une guerre souterraine. Toutefois la plupart des canons de la place étaient, ou évasés, ou démontés; les vivres commençaient à devenir rares, et l'ennemi se serait rendu par inanition, si une bombe, en tombant devant le magasin à poudre du fort de Jauernick, dont le hasard voulut que la porte fût ouverte, n'eût mis le feu aux poudres, et bouleversé une partie du fort, outre que trois cents grenadiers des en<230>nemis y périrent. Cet accident, qui ouvrait la place, obligea le gouverneur à battre la chamade. La ville capitula le 9. M. de Guasco avec sa garnison, forte de neuf mille hommes, se rendit prisonnier de guerre; lui et tout son monde furent envoyés en Prusse. M. de Knobloch reçut le gouvernement de cette place, et M. de Wied partit pour la Saxe avec un gros détachement, pour y renforcer le prince Henri.

Ainsi se termina la campagne de Silésie, moins bien qu'on n'eût pu le présumer au commencement, mais mieux qu'on ne pouvait l'espérer après la dernière révolution de la Russie. Le Roi donna le commandement des troupes en Silésie au prince de Bevern; il envoya MM. de Ramin, Möllendorff et Lentulus avec leurs brigades en Lusace pour occuper les environs de Görlitz, et pour causer aux Autrichiens des jalousies sur Zittau et sur la Bohême, afin de faciliter les opérations du prince Henri. L'armée de Silésie entra en cantonnements près du camp retranché qu'elle avait tenu toute la campagne, et que l'on se contenta, pendant l'hiver, de garder par des détachements, qu'on relevait tous les huit jours; après quoi Sa Majesté se rendit elle-même en Saxe. Tandis que M. de Wied est occupé à traverser la Lusace, nous reprendrons le fil de la campagne de S. A. R., que nous suivrons jusqu'à l'arrivée de ce secours.

Nous avons laissé ce prince occupé à déranger les projets de M. Serbelloni, et M. de Seydlitz aux mains avec les troupes des cercles, qu'il poussa du Voigtland jusqu'au margraviat de Baireuth. S. A. R. voulut tirer raison des insultes que les ennemis avaient tenté de faire à ses postes. Comme toutefois elle ne pouvait les brusquer dans les postes formidables où ils étaient solidement établis, elle se proposa de prendre sa revanche par le moyen des diversions qu'elle comptait faire en Bohême. Dans cette vue, M. de Kleist230-a franchit le Basberg, et<231> sema la terreur dans le cercle de Saatz. Cette alarme parvint bientôt à M. de Serbelloni, qui envoya M. Blonquet, à la tête de quatre mille hommes, au secours de la Bohême. Ce général fit retrancher le chemin d'Einsiedel, où il plaça quelque monde, et s'établit à Dux avec le gros de sa troupe. D'autre part, l'armée des cercles s'était rapprochée d'Oelsnitz, d'où elle voulait prendre le chemin de Schneeberg et longer les frontières de la Saxe dans l'intention de se joindre à M. Blonquet. M. de Kleist, qui était à peine revenu de la Bohême, fut obligé d'y retourner pour faire avorter ce dessein; il rassembla près de Porschenstein le détachement qui devait servir sous ses ordres; il força le retranchement d'Einsiedel, et y prit quatre cents hommes et un canon. De là il donna sur les dragons de Batthyani, qui venaient au secours des troupes qu'il avait battues, et les mit en déroute; ensuite il poursuivit M. Blonquet, qui à son approche se retira de Dux à Teplitz. Il l'y laissa, et vola vers le Basberg, où il se mit sur le flanc de l'armée des cercles, qui se replia sur-le-champ sur Annaberg, puis sur Hof, et enfin sur Baireuth.

Le prince Henri résolut sur cela d'envoyer en Bohême un corps plus considérable, et de profiter de l'absence des troupes des cercles pour frapper un coup d'éclat. Son dessein était de chasser l'ennemi de Teplitz, et de se rendre maître d'Altenberg, pour tourner par ce moyen le poste de Dippoldiswalda; et il aurait forcé les Impériaux à l'abandonner. M. de Seydlitz, qui fut chargé de l'exécution de ce projet, se contenta de laisser après son départ M. de Schulenbourg, avec cinq cents chevaux, vis-à-vis du prince de Stolberg et de l'armée de l'Empire pour les observer, et avec son détachement il entra en Bohême, où ayant fait une marche forcée, il arriva le 31 à Kommotau. M. de Kleist y pénétra le 1er d'août par le village de Göhren. Tous les postes d'avertissement de l'ennemi furent mis en fuite. M. de Seydlitz reconnut le même jour le camp de Teplitz, et fit ses préparatifs pour l'attaquer. Le lendemain, il voulut occuper une hauteur que les Im<232>périaux avaient négligé de garnir; il arriva, par une singularité à laquelle il ne pouvait pas s'attendre, que les Prussiens gravirent cette colline de leur côté, et les ennemis d'un autre. Les Autrichiens, qui l'occupèrent les premiers, gagnèrent par là l'avantage du terrain, qui les favorisa. M. de Lôwenstein, qui les commandait, reçut des renforts durant l'action, et les Prussiens furent repoussés avec perte de quatre cents hommes et de deux canons. M. de Seydlitz n'avait employé que quatre bataillons à cette attaque; les ennemis en avaient douze : il fallut céder au nombre. Ce corps, qui ne put point remplir le but de sa destination, se retira en Saxe, et se retrancha à Porschenstein. Quoique l'attente de S. A. R. ne fût pas remplie, et que ce coup eût manqué, toutes ces entreprises successives empêchèrent232-a la jonction de l'armée de l'Empire à celle des Impériaux tout le mois d'août.

Le prince de Stolberg, qui n'avait que cinq cents chevaux en tête, ne trouvant plus d'obstacle assez considérable pour l'empêcher d'agir, marcha avec son armée de Baireuth à Kaaden, où le colonel Török le joignit. Du côté des Prussiens, M. de Belling avait naguère joint l'armée de Saxe; il fut aussitôt mis en œuvre, et envoyé dans le Voigtland, d'où ce général profita de l'absence du prince de Stolberg, et fit une incursion en Bohême, dans l'intention de l'y rappeler. Il arrive soudain devant les portes d'Éger, fait tirer quelques coups de canon contre la ville, et il s'en faut peu que la faible garnison qui défend la place, ne se rende à ses hussards. Mais S. A. R. eut bientôt besoin de son corps ailleurs, et il fut obligé de passer en Lusace pour s'opposer à M. Luszinzky, qui rôdait avec son corps du côté d'Elsterwerda et de Senftenberg, et auquel on prêtait de plus grands desseins

Quelque peu de progrès que les Prussiens eussent faits jusqu'alors, ils n'en avaient pas moins irrité la cour de Vienne, qui, mécontente au suprême degré des incursions qui s'étaient faites en Bohême, en<233> rejetait toute la faute sur ses généraux. L'Impératrice était surtout indignée de ce que M. de Serbelloni ne faisait rien avec la nombreuse armée dont il avait le commandement. On s'en prenait à lui de ce qu'il n'avait eu ni assez d'habileté ni assez de vigilance pour couvrir le royaume de Bohême. Ce mécontentement donna lieu à son rappel, et sa cour le remplaça par M. de Hadik, que le maréchal Daun avait mis en crédit.

Le prince de Stolberg, qui durant ce temps-là continuait toujours sa marche, passa par Teplitz, par Gieshübel, et joignit l'armée impériale auprès de Dresde, à peu près dans le même temps où M. de Hadik en prit le commandement. Ce nouveau général voulut signaler son arrivée par un coup d'éclat : il ordonna qu'on fît le 27 de septembre une attaque générale sur tous les postes détachés du camp de Pretzschendorf. M. de Buttler força en effet quelques postes retranchés dans le bois du Tharand, défendus par des bataillons francs, tandis que le prince de Löwenstein, dont le corps venait de la Bohême, força M. de Kleist à se replier sur Sayda. Le lendemain, S. A. R. fit chasser M. de Buttler des postes dont il s'était emparé, et M. de Seydlitz contraignit trois mille Autrichiens à quitter le fond de Frauenstein, où ils s'étaient logés la veille.

Les avantages qu'on gagnait de ce côté-là, n'empêchèrent pas que M. de Löwenstein ne poussât encore les troupes de M. de Kleist, et qu'il ne s'établît avec ses Autrichiens à Sayda. Cette position qu'il venait de prendre, exposait la boulangerie prussienne de Freyberg à être enlevée, et le prince Henri se trouvait avoir en même temps un corps d'ennemis à dos. D'ailleurs, le terrain que ce prince avait à défendre était si étendu, que de quelque côté que l'ennemi se fût porté en force, il aurait eu le dessus. Ces motifs portèrent S. A. R. à quitter les environs de Pretzschendorf, et à prendre son camp à Freyberg, derrière la Mulde, ce qui s'exécuta le 30 septembre. Le même jour,<234> MM. de Forcade et de Hülsen reprirent les camps de Meissen et des Katzenhäuser. M. de Belling, qu'on avait fait revenir de la Lusace, fut détaché avec M. de Kleist au village de Hartmannsdorf, d'où ils poussèrent à Gross-Schirma, pour en défendre le gué contre M. de Lowenstein, qui s'était posté derrière le ruisseau et le village de Chemnitz.

Le camp de Freyberg, que S. A. R. avait pris, avait encore le défaut d'être trop étendu, ou, pour mieux dire, l'armée avait celui de n'être pas assez nombreuse. Enfin, on avait à défendre tous les gués de la Mulde, et surtout le flanc droit, qui fait front au village de Brand et vers la Rathsheide. Outre ce grand emplacement à défendre, il fallait assurer la communication avec les camps des Katzenhäuser et de Meissen, en occupant le poste de Nossen. MM. de Hülsen et de Forcade n'avaient à eux deux que quatorze bataillons pour soutenir les bords de la Triebisch, de sorte qu'il ne pouvait plus détacher un homme, à moins que de se dégarnir entièrement. Le prince résolut de retrancher son camp; mais il ne put rassembler assez de travailleurs, ni ramasser des instruments en aussi grand nombre qu'un travail aussi étendu semblait le demander, de sorte que les ouvrages qu'on avait projetés, ne furent qu'à peine ébauchés.

Telle était la situation des affaires, lorsque, le 14 au matin, M. de Ried parut avec dix-huit bataillons vis-à-vis de M. de Hülsen, sur les hauteurs de Seligstadt. Le centre de l'armée de M. de Hadik se porta en même temps sur Niederausche;234-a les troupes des cercles se campèrent au village de Chemnitz; M. de Campitelli se forma au village de Weissenborn, à l'extrémité de la droite de S. A. R.; et outre les corps dont nous venons de parler, M. de Kleefeld se porta avec cinq mille chevaux contre M. de Belling, pour le déloger de Hartmanns<235>dorf. Belling fit mine de se retirer : mais faisant soudain volte-face, il chargea l'ennemi avec tant de furie, qu'il le tourna en fuite, et reprit son poste. Les deux armées passèrent la nuit au bivouac.

Le lendemain, l'ennemi attaqua sérieusement tous les passages de la Mulde. Il fut repoussé par les Prussiens de tous les côtés. Immédiatement après que les assaillants se furent retirés, S. A. R. se rendit à sa droite. C'était sur le soir; il faisait déjà obscur : mais avec quelle surprise n'aperçut-elle pas la confusion qui y régnait! M. de Belling avait été chassé de son poste; M. de Bandemer, qui devait le soutenir, l'avait mal secondé. Le prince de Stolberg avait profité de ce moment pour occuper le Rathswald, par où il se trouvait sur le flanc et à dos des Prussiens. Ce dérangement considérable obligea S. A. R. d'abandonner sa position, qui, dans ces circonstances, n'était plus tenable. Elle partit à minuit, elle fit marcher son armée sur trois colonnes, et gagna le Zellesche Wald, sans que l'ennemi s'en doutât, ou fît mine de l'inquiéter. Les troupes se baraquèrent dans la forêt, pour se garantir contre le froid. Le lendemain, on prit une position plus avantageuse entre Riechberg et Voigtsberg. M. de Hadik demeura avec le gros de son armée sur le Landsberg, et les troupes des cercles, renforcées par M. Campitelli, se retranchèrent à l'entour de Freyberg, où M. de Maguire devait les joindre dans peu.

D'un autre côté, M. de Wied était en pleine marche : il s'approchait de Bautzen, et devait occuper les hauteurs de Weissig, pour s'avancer sur le Cerf blanc, par où il se trouvait à dos du poste de Bocksdorf, et pouvait bombarder la Nouvelle-Ville de Dresde. Cette diversion lui avait été prescrite pour obliger M. de Hadik à faire un gros détachement au delà de l'Elbe, afin de donner au prince Henri le temps de respirer et de pouvoir redresser ses affaires. Mais le maréchal Daun, qui avait très-bien pénétré l'intention du Roi, pour que M. de Hadik conservât la même supériorité en Saxe, avait fait côtoyer<236> M. de Wied par le prince Albert de Saxe236-a avec un détachement de douze bataillons et de quinze escadrons. Ce prince traversa Zittau, et gagna les hauteurs de Weissig avant les Prussiens. M. de Wied, ayant ainsi manqué son coup, se replia sur Radebourg; il tourna de là sur Gross-Döbritz, pour s'approcher de l'Elbe, et pour se joindre à l'armée de S. A. R. après avoir passé ce fleuve.

Pendant que ceci se passait en Lusace, le prince méditait un coup par lequel il se promettait de prendre sa revanche sur les ennemis. Il était obligé de rechasser les Impériaux et les troupes des cercles des montagnes de la Saxe, tant parce qu'il en avait besoin pour faire subsister ses troupes pendant l'hiver, que parce qu'il était important de ne pas perdre de terrain à l'approche de la paix. Outre cela, ne devait-il pas venger l'honneur des armes prussiennes, et ne pouvait-il pas appréhender avec fondement que s'il laissait le temps au prince de Stolberg d'attendre ses secours, ce prince n'entreprît lui-même une expédition contre les Prussiens? La prudence, l'honneur, l'intérêt, la politique, tout se réunissait pour qu'il prévînt les ennemis.

S. A. R. ne tarda pas à exécuter son projet. Elle se mit en marche le 28 d'octobre. Sa droite passa par les villages de Braunsdorf et de llennersdorf; sa gauche, après avoir passé le défilé de Grüna, se sépara en deux corps, dont l'un s'arrêta à Hennersdorf, et l'autre, à Gross-Schirma. Ces troupes se mirent en mouvement le 29. L'extrémité de la gauche, destinée pour attirer sur elle l'attention de l'ennemi, fut rangée par M. de Forcade sur la hauteur de Gross-Schirma. M. de Belling chassa les Impériaux du bois de la Struth, et s'y établit avec deux bataillons et dix escadrons. Cette position donna l'aisance à M. de Stutterheim l'aîné d'établir des batteries contre les redoutes<237> que l'armée des cercles avait près de Waltersdorf. La droite du prince continua sa marche, et laissa cette batterie et le bois de la Struth à gauche. M. de Kleist avec son avant-garde fut obligé de déblayer deux abatis soutenus de Croates, et d'en déloger les troupes, pour en ouvrir le chemin à la colonne de S. A. R. Cependant le prince de Stolberg et M. de Campitelli s'étaient mis en bataille autour de Freyberg. Leur droite s'appuyait à Tuttendorf; leur gauche, qui s'étendait derrière le défilé de Waltersdorf, allait aboutir au Spittelwald; outre cela, ils avaient fait construire des redoutes sur les hauteurs de Curbitz,237-a qu'ils avaient entourées d'abatis. La marche que S. A. R. prenait, la conduisit directement à dos de cette position. Aussitôt que le prince de Stolberg s'en aperçut, il fit usage de la seconde ligne pour en remplir le vide qui restait entre sa gauche et la hauteur des Drey Kreuze. A trois mille pas de cette armée, entre le Brand et Erbisdorf, on aperçut encore un corps d'à peu près six mille hommes qui se présentait sur ces hauteurs, commandé par un général Mayer.

Les Prussiens étaient déjà arrivés au Spittelwald : ils l'attaquèrent vigoureusement, et y prirent tout un bataillon impérial de Wied. MM. de Diringshofen237-b et de Manstein237-b furent postés à ce bois, entre le village de Saint-Michel et le Spittelwald, avec quatre bataillons et six escadrons, pour tenir en échec le corps de ce général Mayer. Ces précautions prises, les grenadiers prussiens passèrent la partie de ce bois la plus attenante au village de Saint-Michel, et se mirent en bataille vis-à-vis de la hauteur des Drey Kreuze. Ces grenadiers, soutenus de cuirassiers et de dragons, attaquèrent l'ennemi, et après un feu qui dura à peu près une heure et demie, ils remportèrent la vic<238>toire. M. de Seydlitz donna alors avec sa cavalerie sur les fuyards, et fit des prisonniers jusqu'aux portes de Freyberg. Les troupes des cercles abandonnèrent sur cela les redoutes du côté de Waltersdorf. M. de Stutterheim saisit ce moment pour passer ce défilé et lâcher sa cavalerie sur les fuyards, ce qui augmenta la confusion et la déroute des vaincus. M. de Buttler, qui n'avait point passé la Mulde, n'ayant été jusqu'alors que spectateur de l'action, voulut y être pour quelque chose : il envoya, mais trop tard, le régiment de Joseph Esterhazy au secours des cercles, et tout ce régiment fut fait prisonnier. Enfin, le prince de Stolberg, Campitelli, Mayer, et Buttler même, tous s'enfuirent jusqu'à Frauenstein, où à peine ils se crurent en sûreté. Ils perdirent dans cette bataille trente pièces de canon, soixante-six officiers, et près de huit mille hommes, dont quatre mille furent faits prisonniers par S. A. R. La perte des Prussiens ne monta pas à mille hommes, parce qu'ils n'éprouvèrent pas une résistance bien opiniâtre; ils n'étaient forts que de vingt-neuf bataillons et de soixante escadrons. L'ennemi qu'ils eurent à combattre, outre l'avantage que lui donnait le terrain, s'il avait su s'y défendre, avait quarante-neuf bataillons et soixante-dix-huit escadrons. Mais les succès des armées dépendent plus de l'habileté du général qui les commande, que du nombre des troupes qui les composent. Il serait superflu de faire ici le panégyrique de S. A. R. : le plus bel éloge qu'on puisse faire d'elle, est de rapporter ses actions. Les connaisseurs y remarqueront aisément ce mélange heureux de prudence et de hardiesse, si rare et si désiré, qui unit et rassemble le plus de perfections que la nature puisse accorder pour former un grand homme de guerre.

Après cette victoire, le prince fit nettoyer les bords de la Wilde Weisseritz du peu d'ennemis qui s'y présentaient. Cette petite expédition causa une si vive alarme à M. de Hadik, qu'il fit passer l'Elbe sur-le-champ aux troupes du prince Albert, et qu'il envoya un ren<239> fort considérable au prince de Stolberg, pour le mettre en état de soutenir sa position de Frauenstein. M. de Wied arriva le 1er de novembre au camp de Schlettau, pour relever M. de Hülsen, dont le corps se joignit à l'armée de S. A. R. M. de Platen fut poussé en avant, et passa la Mulde avec un corps de neuf mille hommes. M. de Belling s'avança entre Sasselbach et Burkersdorf, où il alluma, la nuit, des feux comme ceux d'une grande armée. En même temps, M. de Wied fit un détachement à Neukirch, pour alarmer le camp de Plauen. Ces mesures prises avec tant de justesse produisirent l'effet qu'on devait en attendre; car le prince de Stolberg se replia la nuit même sur Altenberg, vers les frontières de la Bohême; sur quoi M. de Belling occupa les environs de Frauenstein, et M. de Platen se campa à Porschenstein, pour couvrir le corps de M. de Kleist, qui entra en Bohême par le chemin d'Einsiedel; il ruina le magasin considérable que les Impériaux avaient à Saatz, fit des incursions jusqu'à Leitmeritz, et rentra en Saxe par le Basberg. Le Roi arriva vers ce temps à Meissen; il fit avancer M. de Wied vers Kesselsdorf. Ce général rencontra un poste d'avertissement de M. de Ried au Landsberg. MM. d'Anhalt et de Prittwitz l'attaquèrent, et y prirent quatre canons et cinq cents hommes. Ce M. d'Anhalt est le même qui avait le plus contribué à l'affaire de Langensalza et à celle de Leutmannsdorf. Cette belle action fit la clôture de la campagne. La saison, qui devenait fort rude, obligea d'assigner des quartiers de cantonnement aux troupes.

Les préliminaires de la paix furent signés vers ce temps-là entre les Français et les Anglais. Les Anglais, dont la conduite avait été si odieuse depuis que M. Bute avait eu l'administration des affaires, abandonnèrent entièrement les intérêts du Roi dans le cours de cette négociation; ils consentirent même à ce que les Français demeu<240>rassent en possession du duché de Clèves et de la principauté de Gueldre. Ce si lâche abandon obligea le Roi à chercher des moyens propres à réduire la cour de Vienne à faire une paix équitable. Les princes de l'Empire étaient las de la guerre; ils voyaient l'armée française prête à repasser le Rhin. Il parut que ce serait le temps de les réduire à la neutralité et par conséquent d'isoler tout à fait l'Impératrice-Reine. Dans cette vue, M. de Kleist fut envoyé dans l'Empire avec son corps. Il s'empara de Bamberg. De là il fut bientôt à Nuremberg, qu'il prit par capitulation. Ses hussards parurent aux portes de Ratisbonne; la diète en fut troublée dans ses délibérations. Plusieurs députés remplis d'épouvanté prirent la fuite. Le duc de Würtemberg, quoique éloigné, fut sur le point de se sauver en Alsace. Enfin cette incursion opéra un si bon effet, que les électeurs de Bavière et de Mayence, et les évêques de Bamberg et de Würzbourg demandèrent la paix, en promettant de retirer d'abord le contingent qu'ils avaient à l'armée des cercles. Le seul moyen d'éteindre l'embrasement de l'Allemagne était d'écarter les matières combustibles qui pomaient nourrir cet incendie. M. de Kleist, après la fin de cette belle expédition, ramena, au commencement de janvier, ses troupes en Saxe; on tira un cordon le long de la Triebisch et de la Mulde, qui s'étendait de Sayda à Meissen. D'autres corps furent répandus à Chemnitz, Zwickau et Géra, le long des frontières de la Bohême, et le gros de l'armée fut distribué depuis Soi au jusqu'aux extrémités de la Thuringe.

Nous croyons de n'avoir rien omis, dans le récit de cette campagne, des opérations de guerre, pour peu qu'elles fussent dignes d'être rapportées. Si nous n'avons pas parlé de la guerre du Portugal, c'est qu'un historien est embarrassé quand il n'a rien à dire. Les paysans portugais eurent l'honneur de tout ce qui s'y fit de mieux; leur activité décontenança la grave lenteur des Espagnols, qui, avec<241> toutes leurs forces, ne firent aucuns progrès. La paix de la France et de l'Angleterre, si nécessaire, si utile à l'Europe, fut cependant moins avantageuse à tant d'empires qu'à la réputation des généraux espagnols et portugais, parce qu'elle laissa à l'imagination des spéculatifs entière liberté de supposer les exploits par lesquels ces généraux se seraient illustrés, si la guerre avait continué.


187-a George-Louis de Dalwig, né en 1723 dans le pays d'Eichsfeld. Lieutenant-colonel en 1757, il devint, en décembre 1759, commandeur du régiment des cuirassiers de Spaen, no 12; le 16 mai 1761, colonel; et l'année suivante, chef du même régiment.

189-a Daniel-Frédéric de Lossow, né dans la Nouvelle-Marche en 1722, devint en 1709 lieutenant-colonel dans le régiment des hussards noirs, no 5, dont il ne tarda pas à être nommé commandeur (t. IV, p. 209); en 1761, il fut fait colonel, et le 9 mai 1762, chef du même régiment et du corps des Bosniaques.

191-a Le maréchal Daun arriva à Schweidnitz le 9 mai.

194-a Hans-Christophe de Billerbeck, né en 1703, fut nommé colonel le 7 décembre 1758, général-major le 21 mai 1764, et mourut en 1777, avec le grade de lieutenant-général d'infanterie.

196-a L'affaire du 12 mai 1762, qui porte ici le nom de Rosswein, était ordinairement nommée autrefois affaire de Döbeln.

197-a Joachim-Chrétien de Bandemer, né en 1702, devint général-major le 3 octobre 1757, et en janvier 1759, commandeur en chef du régiment des Leib-Carabiniers (régiment de cuirassiers no 11). Il mourut en 1764.

198-a Nicolas Heer, Suisse de nation. Le 6 janvier 1761, il fut nommé major et chef d'un bataillon franc formé par lui.

205-a Le 21 septembre 1762. Les topographies et les cartes de Hesse portent Brückermühle.

208-a Le comte Finck de Finckenstein, mort lieutenant-général en 1786, fut nommé en 1754 général-major et chef de ce régiment de dragons, no 10. Voyez, ci-dessus, p. 50 et 104.

209-a François-Adolphe prince d'Anhalt-Bernbourg, né en 1724, devint, le 24 février 1759, général-major et chef du régiment d'infanterie no 3. Voyez ci-dessus, p. 62 et 70.

209-b Constantin-Nathanaël de Salenmon, lieutenant-colonel et chef d'un bataillon franc depuis le 30 janvier 1758, devint général-major le 5 mars 1760, sans avoir passé par le grade de colonel. Voyez ci-dessus, p. 88.

219-a Frédéric-Guillaume comte de Wylich et Lottum, né en 1716, major en 1767, lieutenant-colonel et colonel en 1758, fut nommé général-major par brevet du 2 juillet 1762, à cause de la bravoure qu'il avait déployée en emportant d'assaut les hauteurs de Leutmannsdorf. Il mourut en 1774, général-major et commandant de Berlin.

223-a Le 12 août.

225-a Frédéric-Christophe de Saldern, né dans la Priegnitz en 1719, devint lieutenant-colonel le 1er juin 1757, et général-major le 6 septembre 1708, sans avoir passé par le grade de colonel.

227-a Le margrave Henri de Brandebourg-Schwedt, nommé général-major le 22 juin 1740, fut, depuis 1741 jusqu'à sa mort, arrivée en 1788, chef du régiment d'infanterie no 42, dont il est ici question : mais il ne parut plus à l'armée depuis la bataille de Mollwitz. Le régiment eut dès lors des commandeurs, entre autres, le colonel Balthasar-Rodolphe de Schenckendorff, depuis 1753 jusqu'en 1760, et le colonel Henri-Werner de Kleist, depuis 1760 jusqu'en 1764.

230-a Frédéric-Guillaume-Godefroi-Arnd de Kleist, né en 1788, nommé général-major le 19 mai 1762. Voyez t. IV, p. 162 et 234, et ci-dessus, p. 32 et 155.

232-a Après « ces entreprises successives » l'Auteur a oublié le verbe. Nous conservons le mot empêchèrent, intercalé par les éditeurs de 1788.

234-a Il n'existe pas d'endroit de ce nom : la relation officielle porte Nieder-Schöne. Voyez Berlinische Nachrichten von Staats- und gelehrten Sachen, 1762, p. 530.

236-a Albert-Casimir-Auguste, fils de Frédéric-Auguste II, électeur de Saxe, et né en 1738, était général au service d'Autriche. En 1766, il devint duc de Teschen par son mariage avec Marie-Christine archiduchesse d'Autriche.

237-a Probablement il faut lire du Kuhberg.

237-b Bernard-Alexandre de Diringshofen, colonel et chef d'une brigade. Le 8 avril 1763, il devint chef du régiment d'infanterie no 24, et le 20 mai 1764, général-major.
     Léopold-Sébastien de Manstein, colonel, et, en 1762, chef du régiment de cuirassiers no 7. Il devint général-major le 2 septembre 1764.