<65> lui qui pût arrêter ses progrès? C'était donc sans contredit le projet qu'on aurait dû exécuter. L'Empereur, le roi de France, particulièrement le maréchal de Belle-Isle, insistèrent sur ce que les Prussiens devaient se porter du côté de Tabor, de Budweis, de Neuhaus, pour établir une communication avec la Bavière, et donner au prince de Lorraine des jalousies sur l'Autriche. Le maréchal de Belle-Isle soutenait que l'omission d'occuper ces postes, l'année 1741, avait été cause de tous les malheurs que les Français et les Bavarois essuyèrent; mais ce qui est bon dans une conjoncture, l'est-il de même dans une autre? Sans doute que ces postes étaient nécessaires en 1741 aux alliés, qui possédaient encore la Bavière et même la Haute-Autriche; mais en 1744 il n'y avait que des Autrichiens dans ces provinces; d'ailleurs c'était donner beau jeu aux Saxons que de pousser une pointe qui, éloignant l'armée du roi de Prusse de ses frontières, donnait aux Saxons la liberté de se joindre au prince de Lorraine, ou d'entreprendre même sur Prague. De tous les partis, le plus sage aurait été de ne point trop s'éloigner de Prague; d'amasser dans cette capitale, ainsi qu'à Pardubitz et dans d'autres villes, des vivres pour les troupes, et de voir venir les ennemis. Le Roi marqua dans ce moment trop de faiblesse : par une condescendance pour ses alliés, il déféra trop à leurs sentiments; et craignant d'être accusé, s'il tenait son armée clouée à Prague, de n'avoir d'autre objet que de s'assurer des trois cercles qu'on lui avait promis, il entreprit cette malheureuse expédition. On ne fit pas moins de fautes dans l'exécution de ce projet : on négligea le transport des farines de Leitmeritz à Prague; on ne renvoya point en Silésie l'artillerie qui avait servi au siège de Prague, et Ton ne laissa en garnison dans une ville immense comme Prague, que six bataillons, qui ne suffisaient pas pour en défendre la moitié.

Quand vous remontez à la droite de la Moldau, laissant Prague derrière vous, vous traversez un pays montueux et difficile, aussi