<229> l'on n'y aurait pas tout mis à feu et à sang, en me demandant le sacrifice de provinces entières. Après cela, vous avouerez que mon procédé est bien plus humain, et que, si j'ai eu le bonheur de déranger les projets dangereux que les cours de Vienne et de Dresde avaient formés contre moi, je n'use en tout que des droits de la guerre, et comme c'en est l'usage par toute l'Europe. S'il est vrai que le roi de Pologne veut éviter la ruine de ses États héréditaires, il me semble que le moyen le plus sûr pour la prévenir, est d'accepter la paix que j'offre si cordialement à ce prince; car, sans haine et sans animosité particulière, tout le monde conviendra que quatre-vingt mille hommes dans un pays comme la Saxe, ne peuvent pas manquer de le ruiner à la longue.

Mes mains sont innocentes de tout le mal qui en arrivera, et j'en atteste le ciel, à la face de toute l'Europe, que, si le roi de Pologne persiste dans son irréconciliabilité, personne ne pourra trouver à redire que, de mon côté, je me porte aux plus grandes extrémités. Pour l'amour de l'humanité, monsieur, employez tous vos soins pour que deux maisons voisines ne s'entre-déchirent point. Soyez l'organe de mes sentiments, comme vous êtes le dépositaire de mes intérêts, et sauvez la Saxe de ses calamités présentes, et du dernier des malheurs qui la menace. Je suis etc.

P. S. Le comte de Podewils est ici depuis hier; il attendra encore pour voir s'il n'y aura pas moyen de porter le ministère saxon à des sentiments plus justes et plus équitables. Que le roi de Pologne profite donc de mes dispositions, et qu'il ne me pousse point à bout.

Je vous enverrai demain mes remarques sur le mémoire du comte de Brühl : vous en ferez l'usage que vous trouverez le plus convenable; et, en cas que vous les croyiez moins propres à radoucir les esprits qu'à les aigrir, il dépendra de vous de n'en point faire usage à la cour.