<189> qu'il avait perdu dix mille hommes; qu'il manquait d'armes et de munitions; et que ses soldats n'étaient pas encore revenus de leur terreur : il ajouta que le roi de Prusse allait se joindre au prince d'Anhalt; que Dresde manquait de provisions de bouche et de munitions de guerre; que pour sauver les débris de Kesselsdorf, il fallait se sauver à Zehista, village au pied des montagnes qui versent en Bohême. Ce projet fut exécuté : les Saxons évacuèrent Dresde, et n'y laissèrent que des milices; le 16, ils se campèrent auprès du Königstein, et renvoyèrent leur cavalerie en Bohême, faute de moyens pour la nourrir plus longtemps sur le territoire saxon. L'armée du Roi avança le 16 jusqu'à Wilsdruf; et le 17, ses troupes formèrent la première ligne, et se portèrent sur le ruisseau de Plauen.

L'heureux succès de cette expédition fit oublier la lenteur que le prince d'Anhalt avait affectée à son début : la journée de Kesselsdorf avait jeté un beau voile sur cette faute. Le Roi lui dit les choses les plus flatteuses sur la gloire qu'il s'était acquise, et n'omit rien de ce qui pouvait cajoler son amour-propre. Ce prince mena le Roi sur le champ de bataille : l'on fut moins surpris des difficultés, quoique grandes, que les troupes avaient eu à surmonter, et du nombre considérable des prisonniers, que de voir toute cette campagne couverte de bourgeois de Dresde, qui venaient avec des visages sereins à la rencontre des Prussiens. Lorsque le Roi traversa la Saxe en 1744, le duc de Weissenfels avait jeté dix bataillons dans Dresde; on y élevait des batteries; on faisait des coupures dans les rues; on mettait des palissades en tous les lieux où un pieu pouvait entrer en terre; aucun Prussien n'osait mettre le pied dans cette capitale : et en 1745, que le Roi entrait en Saxe à la tête de quatre-vingt mille hommes, que leurs troupes venaient d'être battues, les portes de Dresde restèrent ouvertes, et les enfants cadets de la famille royale, les ministres, les conseils suprêmes du pays, tout se rendit à discrétion. Telles sont les contradictions dont l'esprit humain est capable, quand il n'agit