<187> canonna avec l'ennemi jusqu'à ce que le village de Kesselsdorf fut emporté; mais impatiente alors d'avoir part à la gloire de cette journée, elle marcha aux Saxons, en bravant tous les obstacles : des rochers à gravir, des neiges qui rendaient le terrain glissant, la difficulté du terrain, et des ennemis qui combattaient pour leurs foyers, tout céda au courage des vainqueurs. Les Saxons et les Autrichiens furent chassés des rochers escarpés de Bennerich. Les Prussiens ne purent conserver ni l'ordre des bataillons ni même des pelotons formés, tant ces hauteurs qu'ils escaladaient étaient escarpées; la cavalerie ennemie les attaqua ainsi éparpillés. Il est certain que si les Saxons avaient été valeureux, l'infanterie prussienne aurait dû être taillée en pièces; mais cette cavalerie attaqua si mollement et fut si mal soutenue, qu'après quelques décharges que les Prussiens firent sur elle, elle disparut, et céda le champ de bataille aux vainqueurs. La cavalerie de la gauche des Prussiens n'avait pas pu agir pendant tout le combat, à cause des précipices impraticables qui la séparaient des ennemis; le prince d'Anhalt l'envoya à la poursuite des fuyards, sur lesquels M. de Gessler fit encore un bon nombre de prisonniers. Le prince d'Anhalt donna dans cette action de véritables marques de son expérience et de sa capacité. Les généraux, les officiers et les soldats, tous s'y distinguèrent : leur succès justifia leur témérité. De la part des Saxons, il resta trois mille morts sur la place; on fit prisonniers deux cent quinze officiers et six mille cinq cents soldats; ils perdirent de plus cinq drapeaux, trois étendards, une paire de timbales et quarante-huit canons. Les Prussiens eurent quarante et un officiers et seize cent vingt et un soldats de tués, et le double de blessés.a


a C'est sans doute par oubli que le Roi ne rappelle pas ici les noms des héros morts à Kesselsdorf. Dans la première rédaction de son ouvrage, il dit au dernier chapitre, p. 28 : " Nous eûmes quarante et un officiers et seize cent vingt et un soldats de tués; et à peu près le double de blessés; on trouva le général de Hertzberg et le colonel d'Assebourg parmi les morts. " Le général-major Hans-Gaspard de Hertzberg et le colonel des cuirassiers du corps, Henri-Charles d'Assebourg, ont eu également le malheur d'être passés sous silence dans l'Épître à Stille (Œuvres de Frédéric, publiées du vivant de l'Auteur. T. IV, p. 111), qui célèbre les officiers tombés ou blessés dans les deux premières guerres de Silésie. Le Roi a encore élevé un monument à ses héroïques soldats dans L'Art de la guerre (l. c., p. 349-419).
     Hans-Gaspard de Hertzberg, général-major et chef du régiment d'infanterie no 20, était né en Poméranie en 1685.
     Samuel de Polentz, général-major et chef du régiment d'infanterie no 13, naquit dans la province de Prusse le 24 janvier 1698, et mourut de ses blessures à Meissen le 28 janvier 1746.