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ARTICLE XVI. DE NOTRE PAYS; DU PAYS NEUTRE; DE CELUI DES ENNEMIS; DE LA DIFFÉRENCE DES RELIGIONS; QUELLE CONDUITE TOUS CES CAS DIFFÉRENTS DEMANDENT.

On fait la guerre dans trois sortes de pays : dans le sien, dans celui de la puissance neutre, et dans celui de son ennemi. Si je n'avais en vue que l'éclat de la réputation, je ne voudrais jamais faire la guerre que dans mon propre pays, à cause de tous les avantages qui s'y trouvent; car tout le monde sert d'espion, l'ennemi ne saurait faire un pas sans être trahi. On peut envoyer hardiment de grands et de petits partis, on peut surprendre les agresseurs et mouvoir contre eux tous les ressorts de la guerre, des plus petits jusqu'aux plus grands, et, dans leur déroute, tout paysan devient soldat et sert contre eux. C'est ce dont l'électeur Frédéric-Guillaume fit l'expérience après la bataille de Fehrbellin, où les paysans tuèrent plus de Suédois qu'il n'en était péri dans la bataille même, et c'est ce que j'ai vu après la bataille de Friedeberg, où les montagnards de la Silésie prirent quantité de fuyards de l'armée autrichienne prisonniers de guerre.a

Lorsque la guerre se fait dans un pays neutre, l'avantage paraît égal entre les deux partis; c'est à qui gagnera l'amitié et la confiance des habitants. On y tient une sévère discipline, on défend le pillage et la maraude, que l'on punit sévèrement, on prête aux ennemis les plus sinistres intentions. Si le pays est protestant, comme la Saxe,


a Voyez t. III, p. 132 et 133.