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3. AU MÊME.

Berlin, 26 novembre 1733.



Mon très-cher frère,

C'est demain un très-grand jour pour vous, et que vous devez considérer comme un des plus grands de votre vie, vous tirant d'un très-mauvais pas où vous vous êtes trouvé embarrassé. Comme votre ami, vous pouvez compter que j'ai fait tout ce qui a dépendu de moi pour votre élargissement. A la fin, grâces au ciel, on y a réussi. Pensez donc bien à ce que vous avez à faire, et permettez-moi qu'en vrai ami je vous conseille ce qu'il me semble qui serait à propos et nécessaire.

Premièrement, dans l'entretien que vous aurez avec le Roi, je crois que ce sera dans sa chambre, il faut donc faire de grandes soumissions et vous mettre à genoux, remercier le Roi de la grâce qu'il vous vient de faire, l'assurer que vous reconnaissez vos fautes comme vous le devez, et que vous en avez un vrai regret; que vous protestiez au Roi que jamais de la vie il n'entendrait rien parler de vous qui pût lui déplaire, et que le bon Dieu vous avait fait la grâce de vous faire reconnaître toutes vos fautes, et que vous aviez eu le temps de les regretter.

Pour ce qu'il s'agit de votre conduite, plus elle sera retirée, et mieux ce sera, car il n'y a que ce moyen-là de redresser le passé. Enfin, après tout, permettez-moi de vous dire, mon très-cher frère, que les choses qui se sont passées n'ont pas été tout à fait dans l'ordre, et que, si j'ose vous le dire, il y a eu même de la brutalité dans votre fait. Je crois que vous avez eu le temps de voir les tristes conséquences que de pareilles choses attirent après soi. Enfin je suis bien persuadé que vous saurez une autre fois vous modérer plus que vous n'avez fait par le passé, et imposer de justes bornes à la joie, afin