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9. AU MÊME.

Le 8 décembre 1772.



Monsieur mon frère,

Le comte Dönhoffa m'a rendu la lettre que Votre Majesté a bien voulu m'écrire, qui m'a fait un plaisir sensible en me renouvelant les assurances de son amitié, dont je fais un cas infini. Je n'ai jamais changé de façon de penser vis-à-vis de V. M., mon cœur ne saurait se démentir; mais j'ai craint les suites de ses entreprises, et mes craintes ne sont pas encore calmées sur son sujet. Tout le monde n'envisage pas du même œil la révolution qui s'est faite dans le gouvernement de Suède; cela peut causer des guerres et répandre, Sire, de l'amertume sur le reste de votre règne. Il y a des moments de calme auxquels de forts orages succèdent. La Suède en est menacée, et je ne vois pas comment elle y pourra résister. J'ai cru que, en écrivant à V. M., ma probité demandait que je me servisse du pinceau de la vérité et non de celui de la flatterie pour lui exposer mes craintes sur l'avenir. Jamais je ne désirerais plus d'être trompé dans mes conjectures que dans les circonstances présentes; cependant j'ai tout lieu d'appréhender le contraire. V. M. vient de calmer l'alarme qu'elle a causée aux Danois, et je suis persuadé de ses sentiments pacifiques; sans doute qu'ils conviennent à sa situation, où son plus grand objet consiste à gagner, à réunir les esprits. Autant qu'il m'est revenu de la Russie, l'Impératrice, ayant éprouvé les embarras que souvent les ambassadeurs suscitent à sa cour, s'est, à ce qu'on m'a dit, déterminée à ne recevoir que des ministres du second ordre; je suppose donc que V. M. se conformera apparemment à cette règle pour le caractère qu'elle donnera au comte Posse. En attendant, je fais des vœux


a Envoyé de Prusse à Stockholm depuis le mois de mai 1771 jusqu'au mois de juin 1775.