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10. AU MÊME.

Schönfeld, près de Dresde.
15 septembre 1758.



Monsieur mon cousin,

J'ai reçu la lettre de Votre Altesse, du 8 de ce mois, et tout ce qu'elle m'y marque touchant ma cavalerie qui se trouve actuellement auprès de son armée est bien fondé. Mais, d'un autre côté, elle voudra bien considérer la situation épouvantable dans laquelle je me trouve à présent, ayant partout des ennemis dans mon pays et devant moi, et que les Russes, quoique battus d'importance, ayant tiré à eux tout ce qu'ils pouvaient de troupes de la Pologne, se sont postés sur la frontière de la Nouvelle-Marche, s'y étant retranchés au possible, de façon que je suis obligé de laisser vis-à-vis d'eux le comte Dohna avec son armée pour les y observer de près. Les Suédois, d'autre part, ont pénétré par la Marche-Ukraine, qu'ils tâchent d'abîmer, faisant mine de vouloir marcher droit en avant sur Berlin, de sorte que je ne saurais me dispenser d'y détacher quelques troupes pour m'opposer à eux, pendant un temps où j'ai ici toutes les mains pleines à faire contre les Autrichiens. Je ne saurais donc rien changer, vu ma situation présente, à la déclaration que j'ai faite antérieurement à V. A., savoir, que, au cas qu'elle jugeât qu'il pourrait y avoir encore une bataille contre l'armée française qu'elle a devant elle, elle garde ma cavalerie pour s'en servir à ce but pendant la bataille, mais que, au cas qu'il ne puisse être question chez vous d'autre chose, sinon que les armées restent tranquilles l'une vis-à-vis de l'autre, elle ait la bonté de me renvoyer la cavalerie qui m'appartient, et dont j'ai moi-même un grand besoin; d'autant plus que V. A. ne saurait retirer aucun avantage de dix escadrons de dragons de plus ou de moins, pendant qu'on ne ferait que s'entre-regarder. Mais autre chose serait si V. A. était résolue de donner la bataille, et en ce cas ma cavalerie