340. A LA MÊME.

Près de Königingrätz, 20 juillet 1758.



Ma très-chère sœur,

Je profite d'un petit moment de loisir pour vous renouveler les assurances de ma plus tendre amitié. Vous saurez sans doute le malheur qui vient de m'enlever mon frère de Prusse. Vous pouvez juger de mon affliction et de ma douleur. Il a eu, à la vérité, l'année dernière, de très-mauvais procédés envers moi; mais c'était plutôt à l'instigation de méchantes gens que de lui-même. Cependant il n'est plus, et nous le perdons pour toujours. O vous, la plus chère de ma famille! vous qui me tenez le plus à cœur dans ce monde, pour l'amour de ce qui vous est le plus précieux, conservez-vous, et que j'aie du moins la consolation de pouvoir verser mes larmes dans votre sein. Ne craignez rien pour nous et pour ce qui peut-être vous paraîtra redoutable; vous verrez que nous nous tirerons d'affaire. Comme il y a très-longtemps que je n'ai pas la moindre de vos nouvelles, cela me fait trembler pour vos jours. Pour Dieu, faites écrire<357> par un domestique : La Margrave se porte bien, ou : Elle a été incommodée. Cela vaut mieux que la cruelle incertitude dans laquelle je me trouve. Daignez m'en tirer par un petit mot, et soyez sûre que mon existence est inséparable de la vôtre. Je suis avec la plus tendre amitié et reconnaissance, ma très-chère sœur, etc.