210. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH.

Sans-Souci, 15 juin 1748.



Ma très-chère sœur,

Je suis charmé de ce que la témérité de Biche n'ait pas été mal reçue de Folichon, et qu'il ait eu assez de support pour elle de recevoir de bon œil sa lettre et son présent. Souvent les animaux nous sont utiles pour expliquer nos sentiments plus naturellement et avec franchise. La Fontaine, qui fit de si jolis contes, ne l'ignorait pas; aussi les bêtes auxquelles il prêta son éloquence enseignèrent-elles aux hommes une morale que malheureusement peu d'entre eux mettent en pratique. Biche a du bon sens et de la compréhension, et je vois tous les jours des gens qui se conduisent moins conséquemment qu'elle. Si cette chienne a deviné les sentiments de mon cœur, du moins ne les a-t-elle pas mal rendus, et je l'en aimerai encore davantage, si vous<208> voulez bien, ma chère sœur, y ajouter foi. Je finirai dans quelques jours la cure des eaux dont je me suis servi,1_208-a et qui me font beaucoup de bien, et je vais faire mes éternelles revues à Magdebourg, puis à Stettin; ensuite de quoi j'aurai un intervalle de six semaines avant que d'aller en Silésie. Daignez, ma chère sœur, me conserver votre précieuse amitié, et rendez justice à la tendresse et à tous les sentiments avec lesquels je suis, ma très-chère sœur, etc.


1_208-a Les eaux d'Éger. Voyez t. XXVI, p. 119.