69. A LA MÊME.

Remusberg, 4 octobre 1739.



Ma très-chère sœur,

Je suis bien fâché de vous voir encore inquiète sur le sujet de l'indigne Meermann. J'ai à vous prier de trois choses : la première est de vous tranquilliser tout à fait, car j'ai paré presque tout le mal que ce coquin vous a voulu faire, en disant qu'il était piqué de ce que le Margrave ne voulait pas se laisser gouverner par lui; en second lieu, de continuer votre voyage de Montpellier pour le rétablissement de votre santé; il y aurait, si j'ose vous le dire, trop de faiblesse à le rompre si légèrement, et sans que j'en aperçoive une raison valable. Ainsi je vous supplie de le poursuivre; je vous réponds et du Roi, et de la Reine; ce n'est sûrement pas ce qui doit vous arrêter. En troisième lieu, je vous supplie par tout ce qu'il y a de plus sacré, et par notre ancienne amitié, de punir Meermann. Il le faut absolument; vous ne le rendez pas malheureux, mais c'est son infâme caractère, sa maudite calomnie qui lui attirent une juste punition. L'indulgence, en ces cas, est une faiblesse, et j'admire votre bonté de vouloir nourrir cet aspic dans votre sein, qui ne demande pas mieux que de vous donner quelques morsures. II vous faut absolument résoudre à punir ce coquin, et je ne vous laisserai aucun repos avant que vous me l'ayez promis. Avec cela, permettez-moi de vous dire<81> que les lettres de madame Sonsfeld ne sont point écrites d'une manière convenable; je crois qu'elle a plus de part que Meermann à ce que la Reine vous a écrit. Pour Dieu, ma chère sœur, ne poussez donc pas trop loin la complaisance, et comme ce que vous voulez faire est dans l'ordre, faites-le hardiment. Vous avez, à ce qu'il paraît, oublié le train de Berlin; les changements d'un jour à l'autre ne nous sont point des nouveautés. Il ne faut point s'embarrasser de cela. Vous en verrez bien d'autres, si vous venez ici, et je vous supplie, en ce cas, de quitter pour ce temps votre trop grande sensibilité, qui ne pourrait vous être que nuisible.

Je serais trop heureux, si je pouvais vous revoir ici, à Remusberg. Je ne pourrai pas, selon toutes les apparences, avoir ce bonheur à présent; mais je me suis imaginé que si, à votre départ de Berlin, il vous plaisait d'aller à Hambourg ou à Brunswic, je pourrais avoir l'honneur de vous voir ici, puisque c'est le chemin qui mène à ces deux endroits. Permettez-moi du moins de m'amuser avec ce projet, et laissez régner dans mon imagination une idée qui ne peut m'être que très-agréable, puisqu'elle me rappelle le souvenir d'une sœur que j'adore. Je suis avec toute la tendresse et l'attachement imaginable, ma très-chère sœur, etc.