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Conduit par un obscur César,
A, dit-on, ravagé vos terres;
Tandis que sans raison, guidé par le hasard.
Un ennemi cent fois plus dur et plus barbare,
Par la flamme et le fer signalant ses exploits,
Par le Cosaque et le Tartare,
A réduit la Prusse aux abois.
Mais écartons de la mémoire
Des sources de douleur qu'on ne peut épuiser;
Nous rappeler toujours notre funeste histoire
Serait aigrir des maux que l'on doit apaiser.
Moi, dont les blessures ouvertes
Saignent encor de tant de pertes,
Et proche des bords du tombeau,
Pourrais-je en rimes enfilées
Peindre, d'un languissant pinceau,
Dans l'ennui, dans le deuil tant d'heures écoulées,
Et de nos pertes signalées
Renouveler l'affreux tableau?
Lorsque de l'occident amenant les ténèbres,
Etendant sur l'azur des cieux
Les crêpes épaissis de ses voiles funèbres,
La nuit vient cacher à nos yeux
De l'astre des saisons le globe radieux,
Philomèle au fond d'un bocage
Ne fait plus retentir de son tendre ramage
Les échos des forêts alors silencieux;
Elle attend le moment que la brillante aurore,
Versant le nectar de ses pleurs,
Avec l'aube nous fasse éclore
Le jour, les plaisirs et les fleurs.
Ma sœur, en suivant son exemple,
Muet dans ma douleur, sensible à mes revers,
Laissant pendre mon luth, laissant dormir les vers,
J'attends que la Fortune, à la fin, de son temple
Me rende les sentiers ouverts.
Mais si je vois que la cruelle
D'un caprice obstiné me demeure infidèle,