<339> à madame la justice d'être séduite et de se laisser tromper par des indices; on a des exemples qu'elle a fait pendre des hommes avec précipitation, dont elle a ensuite reconnu l'innocence, et en a fait faire des excuses très-polies à la veuve et aux enfants; mais elle n'a pas rendu la vie au mort, et celui-là n'a pas seulement eu la consolation d'être informé de ses regrets. On ne me pendra pas précisément; mais le traitement qu'on me prépare ne vaut, en vérité, guère mieux. Enfin, ma chère sœur, pendu ou non, je serai jusqu'au dernier soupir de ma vie, avec la plus tendre estime, etc.

326. A LA MÊME.

Naumbourg, 9 (septembre 1757).



Ma chère sœur,

viens de recevoir votre lettre du 6, avec l'incluse de Voltaire. Vos réflexions sont très-vraies; mais, ma chère sœur, la vérité n'est pas faite pour les hommes. Le peuple est mené par les politiques, et il est toujours abusé par ceux qui veulent le tromper; ce n'est pas ma faute, il faut subir sa destinée. Quand l'Europe sortira de ses transports frénétiques, elle sera peut-être étonnée elle-même des excès où sa fureur l'a poussée; mais cela ne me fera peut-être alors ni bien ni mal. J'ose vous envoyer une réponse pour Voltaire; daignez, je vous supplie, me marquer si vous avez reçu mon Épître,a ou non. Dans la situation présente, tout ce que je puis faire, ma chère sœur, c'est de


a L'Épître à ma sœur de Baireuth, t. XII, p. 40-47 Frédéric avait écrit à la Margrave, de Bernstadt, le 24 août 1757 : « Je prends la liberté de vous envoyer une pièce de vers que je vous adresse. Le style de l'élégie convient à ma fortune présente et aux calamités qui désoient la patrie. »