<245> ces raisons me fortifient dans mon sentiment, et je ne crois pas qu'on ait à se plaindre de redevenir ce que l'on a été. Pour moi, je bénis la nature de m'avoir favorisé, en naissant, d'une sœur qui seule pourrait faire la consolation de ma vie, de m'avoir donné des parents qui sont estimables par leurs vertus, et de ne m'avoir point donné un esprit inquiet et difficile à satisfaire. Voilà ma petite confession de foi, qui ne ressemble ni à celle d'Augsbourg, ni au catéchisme de Calvin. Il n'est pas donné à tout le monde d'être orthodoxe, mais il dépend de chacun de suivre les lois de la nature, et c'est, je crois, à cette philosophie pratique qu'un honnête homme doit le plus s'appliquer. Mais je ne sais de quoi je m'avise de vous parler de mes rêveries. Vous, qu'on peut entretenir du cèdre jusqu'à l'hysope,a et passer de la philosophie la plus sublime à l'histoire des pompons, vous me pardonnerez si j'égaye ma lettre par ces bagatelles que j'offre à votre toilette; quoique grand philosophe et grand capitaine, vous ne sauriez vous dispenser d'y passer une heure par jour, et je me flatte que, dans ce temps-là, vous voudrez vous servir quelquefois du collier que je vous présente, en vous assurant qu'il part du principe de l'amitié et de la tendresse la plus tendre avec laquelle je suis, ma très-chère sœur, etc.

247. A LA MÊME.

(Berlin) 15 décembre 1752.



Ma très-chère sœur,

Vos lettres sont toutes si remplies de bonté pour moi, qu'elles me couvrent de confusion. Je crois que vous ne serez pas fâchée de vous


a Voyez I Rois, chap. IV, v. 33, et notre t. XVI, p. 164.