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265. AU MÊME.

Le 9 mai 1776.



Mon très-cher frère,

Votre chère lettre m'a causé deux sensations bien différentes : par l'une j'ai été pénétré de douleur en apprenant la mort d'une jeune princesse dont le caractère et la vertu étaient respectables;a par l'autre, mon cœur plein de reconnaissance s'est épanoui en apprenant par vous, mon cher frère, la confiance que S. M. l'Impératrice et son digne fils veulent bien placer en moi. Certainement ils ne s'y tromperont pas, et dans cette occasion, comme en toutes celles qui se pourront présenter durant ma vie, ils me trouveront toujours disposé de corps et d'âme à leur rendre tous les services qui dépendront de moi. Pour ne vous point arrêter par des préambules qui fatigueraient votre impatience, je vous apprends en gros que j'ai réussi dans ce qu'il y avait de plus difficile dans ma négociation, s'entend sur ce qui concerne le prince héréditaire de Darmstadt. Je vous avoue qu'il m'a touché jusqu'aux larmes. Le cœur gros de la mort inattendue de sa sœur, accablé de cette perte, il m'a dit : « Je comprends que le grand-duc doit se remarier promptement; le parti qui lui convient le mieux est celui de ma promise. Je l'aime, je m'étais promis de passer d'heureux jours avec elle; mais j'aime encore plus le grand-duc, et je lui fais le sacrifice de ma promise, et lui donnerais ma vie même, si elle pouvait lui être utile. » Non, Pylade n'en aurait pas plus fait pour Oreste, et Nisus pour Euryale. Voilà un exemple d'attachement et d'amitié qui fait honneur à notre siècle. Le prince se propose d'envoyer le colonel de Riedeselb à Pétersbourg pour con-


a La grande-duchesse de Russie était morte le 26 avril, en accouchant d'un enfant mort. Voyez t. VI, p. 136 et 137.

b Voyez t. XX, p. XII, et 203-206.