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54. AU PRINCE DE PRUSSE.

Leitmeritz, 7 juillet 1757.



Mon très-cher frère,

J'ai reçu votre lettre du 6, et les deux doubles que vous m'en avez envoyés. Je vous passe les mouvements que vous venez de faire encore avec l'armée sous vos ordres; mais, pour le coup, je me persuade que vous ne marcherez plus en arrière, pour ne pas être au milieu de la Saxe sans y penser. Il me semble que, le poste que vous aviez occupé étant assez fort, vous n'auriez eu qu'à faire deux bons détachements pour aller en avant de deux côtés au lieutenant-général Brandeis, dont je crains qu'il ne soit, en attendant votre secours, attaqué de l'ennemi, puisque les hussards prétendent avoir entendu tirer des coups du côté de Gabel, ce qui ne saurait être qu'à l'occasion du général Brandeis, qu'on aura attaqué.

Le corps hussard de l'ennemi ne saurait être là si fort en nombre qu'on le prétend, vu qu'on en a détaché deux régiments vers la ville de Nuremberg, qu'un en est aux environs d'ici, ce qui fait trois, et trois encore à l'armée ennemie. Quand vous aurez reçu heureusement vos farines et l'argent, je vous prie, au nom de Dieu, de ne plus rétrograder, car je veux bien vous avertir qu'il n'y a nul fourrage en Saxe, de sorte que quand vous vous y tirerez, il vous en manquera là, et toute la boutique sera perdue.

Nous avons reçu ce soir des lettres du maréchal Daun par un trompette qui vient d'arriver. Selon la date de la lettre, il doit être près de Jung-Bunzlau, à Kosmanos. J'espère, au surplus, que vous aurez reçu la lettre chiffrée que je vous ai envoyée aujourd'hui matin par un hussard.

Je suis avec les sentiments que vous me connaissez, etc.