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TROISIÈME APPENDICE.

M. DE GUIBERT A FRÉDÉRIC.307-a

(Potsdam, 14 juin 1773.)



Sire,

La lettre de M. d'Alembert à laquelle je prends la liberté de joindre celle-ci explique à V. M. les motifs qui m'amènent dans ses Etats. J'y viens rendre hommage à sa gloire; je viens m'y instruire; je viens surtout tâcher d'effacer les im<308>pressions que quelques phrases ont laissées dans l'esprit de S. M.308-a Se pourrait-il, Sire, que l'homme qui vous a offert avec tant d'empressement son ouvrage, qui a payé dans vingt passages différents le tribut d'admiration et d'enthousiasme qui est si légitimement dû à V. M., eût volontairement employé des expressions qui lui déplaisent? Il ne l'a pas fait, Sire, il ose le protester à V. M. Daignez lui accorder la grâce de vous faire sa cour. Permettez-lui de voir un roi dont l'histoire aura tant de merveilles à raconter. Le désespoir de la postérité est de ne pouvoir pas connaître les grands hommes dont elle lit les exploits; j'ai le bonheur d'être né du siècle de V. M.; celui de la voir, de l'admirer par mes yeux, semble me revenir de droit. On adorait à Athènes le Dieu inconnu;308-b faites, Sire, que ce ne soit pas au Héros inconnu que j'adresse toute ma vie mon hommage. Je suis, etc.


307-a Voyez t. XXIV, p. 669. Jacques-Antoine-Hippolyte comte de Guibert naquit à Montauban le 12 novembre 1743. Il n'avait que treize ans et demi lorsqu'il accompagna à la guerre de sept ans son père, qui était général. Il devint colonel à vingt-quatre ans. Maréchal de France depuis 1788, il mourut le 6 mai 1790.
      Le 1er juin 1772, M. de Guibert avait fait parvenir au Roi, par l'entremise de d'Alembert, son Essai général de tactique; il arriva lui-même à Potsdam le 14 juin 1773, et écrivit à Frédéric la lettre que nous donnons ici, et que nous avons copiée dans le Journal d'un voyage en Allemagne, fait en 1773, par J.-A.-H. Guibert. Ouvrage posthume, publié par sa veuve. A Paris, 1803, t. I, p. 198 et 199. Aux pages 215 et suivantes, M. de Guibert parle de la conversation qu'il eut avec le Roi le 17 juin, et de son séjour à Potsdam, qui dura jusqu'au 19. Dans le second volume de son Journal, p. 123-245, il parle des manœuvres et des revues auxquelles il avait assisté en Silésie, aux mois d'août et de septembre 1773. Son séjour à Berlin, à Potsdam et en Silésie, ses conversations avec Frédéric, et la connaissance assez intime qu'il avait faite avec M. de Catt, l'abbé Bastiani, le colonel Quintus Icilius, les généraux d'Anhalt et de Rossières, et avec beaucoup d'autres personnages très-capables de le mettre au fait de l'histoire de la Prusse et du caractère de Frédéric, lui donnèrent l'idée et lui fournirent les moyens d'écrire l'Éloge du roi de Prusse. Par l'auteur de l'Essai général de tactique. A Londres (Paris), M.DCC.LXXXVII, trois cent quatre pages in-8. Cet ouvrage a été souvent réimprimé; il a été traduit, deux fois en allemand, par M. Zöllner, et par M. Bischoff, et en italien par Capèce-Latro, archevêque de Tarente. On en trouve une critique sévère dans la Lettre du comte de Mirabeau à M. le comte de ... sur l'Éloge de Frédéric, par M. de Guibert, et l'Essai général de tactique du même auteur (sans lieu d'impression), 1788, soixante-sept pages in-8.
      Il est souvent fait mention de M. de Guibert dans la correspondance de Frédéric. On peut consulter les lettres de d'Alembert à ce prince, du 17 mai, du 30 juillet, du 27 septembre et du 10 décembre 1773, ainsi que les réponses du Roi, du 16 décembre 1773 et du 7 janvier 1774; la lettre de Voltaire à Frédéric, du 28 octobre, et la réponse de celui-ci, du 26 (21) novembre 1773; enfin, la lettre de Frédéric à Voltaire, du 27 juillet 1775, où Frédéric parle du Connétable de Bourbon, tragédie de M. de Guibert, que d'Alembert lui avait annoncée le 14 février 1774. Voyez aussi t. XXIV, p. 690, 691, 695, 697, 698, 700, 701 et 703.

308-a Voyez t. XXIII, p. 268, et t. XXIV, p. 629, 630, 633, 635 et 636.

308-b Actes des apôtres, chap. XVII, v. 23.