<590> quelque argent, les deux mille huit cents écus que vous m'avez donnés en partant de Berlin n'étant pas suffisants pour payer tout ce que j'ai dépensé dans mon voyage, tant dans la route qu'à Paris, où il fait fort cher vivre. Je ménage pourtant le plus qu'il m'est possible; mais mon voyage est un peu plus long que je n'ai pensé.

J'ai mille peines à trouver des tableaux de Watteau, qui sont d'une rareté extrême. J'étais en marché pour deux pendants : mais on me les voulait vendre huit mille livres, ce que j'ai trouvé trop cher; j'espère qu'un de mes amis qui en a deux me les cédera à meilleur compte, et qui sont très-beaux.

Je ne manquerai pas de rapporter à V. M. toutes sortes de bonnes poudres d'odeur, et de la pommade de Rome, tout ce qui sera de meilleur de toute espèce; et pour le coup, Sire, vous aurez des jambons de neige; j'en ai un d'Espagne, que je vous rapporterai. Vous aurez aussi des pieds de vigne muscats et autres; mais on ne les fera partir qu'au mois d'octobre prochain, la saison étant trop avancée, et que la séve a déjà poussé.

Vous aurez incessamment de mes nouvelles, par lesquelles je vous manderai tout ce que j'aurai fait depuis quelque temps.

Dans ce moment, on vient de me dire que M. le prince de Conti a forcé un retranchement du côté de Villefranche,a et qu'il a pris mille hommes prisonniers, et qu'il a gagné les hauteurs de Villefranche, ce qui le mettra à même de prendre cette place sans perdre beaucoup de monde. M. de Court est à Toulon;b on compte qu'il y aura incessamment une affaire entre sa flotte et les Anglais. Je finis ma lettre en renouvelant le profond respect avec lequel je suis, etc.


a Voyez t. III, p. 47.

b L. c., p.48.