<551> accompagnés du corps des hautbois. On offrit force libations à Bacchus, et à force de boire des santés, la santé des convives fut fort dérangée. Ayant eu l'occasion d'entretenir S. M. sur les affaires du temps, sur ce qui regarde ses véritables intérêts, je crois n'avoir rien oublié de ce qu'un fidèle serviteur doit alléguer, pour aussi loin que ses vues peuvent aller, et le texte fut : « Qu'un prince, quelque puissant qu'il fût, ne pouvait jamais figurer, si ses voisins et autres puissances étaient persuadés qu'on n'avait rien à espérer ni à craindre de lui; que l'on ne valait dans le monde que ce qu'on voulait bien valoir; et qu'il n'y avait qu'un système suivi, beaucoup de fermeté et un air soutenu et plein d'honneur qui se faisait respecter. » S. M. parut être assez persuadée de mes arguments, et je laisse l'exécution à la Providence et à la pénétration du maître.

J'ai trouvé ici celle que V. A. R. m'a fait l'honneur de m'écrire, et je joins l'Épître de Voltaire sur l'Ingratitude.a V. A. R. verra, par l'imprimé ci-joint, que l'on est du même sentiment que V. A. R. sur le dessus que V. A. R. donne à cet ouvrage. Par celle du 2 novembre, j'ai reçu les ordres de V. A. R. par rapport aux vins qu'elle souhaite d'avoir, et je ne manquerai pas d'en informer Hony;b mais j'avertis en soumission V. A. R. que les vins seront fort chers cette année, à cause de leur bonne qualité et peu de quantité. V. A. R. se moque de moi en me faisant des politesses sur ce qu'elle me nomme son commissionnaire; ne cherchant qu'à lui pouvoir être utile et bon à quelque chose, je ne négligerai pas cette occasion et commission dont elle me veut bien honorer. Par rapport à ce qui s'est passé, il y a trente-six ans, lorsque je fus retenu par les glaces en Poméranie, ce qui diminua fort les provisions de vins, je le ferais encore, si la chose était à refaire. Je connaissais l'humeur de mon maître, et savais qu'il était


a Le comte de Manteuffel parle probablement de l'Ode VI. A M. le duc de Richelieu. Sur l'Ingratitude. 1786. Voyez les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XII, p. 416-419.

b Voyez t. XXII, p. 29.