<511> contribuer principalement à lui faire faire tout à coup la fortune la plus brillante que jamais peut-être un jeune homme de moins de trente ans ait faite, et voici comment.

Il vint à Varsovie (ce fut la même année que le roi de France se maria)a demander une augmentation de gages et de nouvelles instructions par rapport au mariage de Sa Majesté Très-Chrétienne. Le roi défunt n'ayant pas alors d'autre ministre allemand auprès de lui que moi, et déférant presque aveuglément à toutes mes représentations, je fis si bien, que le comte de Hoym obtint beaucoup au delà de ce qu'il était venu solliciter. Je lui fis obtenir le titre de ministre de Cabinet, le cordon bleu, le caractère d'ambassadeur (chose d'autant plus extraordinaire, qu'il n'y avait pas d'exemple que le Roi eût nommé un ambassadeur sans le tirer du sein de la république de Pologne, à laquelle il fallut le faire agréer dans la suite), deux mille écus de pension par mois, dix ou douze mille pour se mettre en équipage, et le payement d'un compte d'apothicaire qu'il me donna de quelques arrérages et faux frais.

Mais ce que je fis encore de plus avantageux pour lui, et en quoi je fis une sottise qui ne peut s'excuser que par la bonté naturelle de mon cœur, qui ne m'a jamais permis d'aimer mes amis à demi, c'est que, ayant remarqué que le feu roi, qui le trouvait un peu trop affecté et damoiseau, avait une espèce d'éloignement personnel pour lui, je lui indiquai le moyen de se mettre bien dans son esprit. Je lui conseillai de faire l'amour à madame Pociey, qui avait alors beaucoup de crédit, et qui gouvernait absolument l'esprit de la comtesse Orzelska.b Il le fit, et il parvint par là à se fourrer dans les petites par-


a En 1725.

b Anne-Caroline comtesse d'Orzelska, née en 1707, était fille d'Auguste II, roi de Pologne, et de Henriette Duval. Le 10 août 1780, elle épousa le prince Charles-Louis de Holstein-Beck. Selon les Mémoires de Frédérique-Sophie-Wïlhelmine, margrave de Baireuth, Brunswic, 1810, t. I, p. 104, 110, 117, 118 et 120, Frédéric avait, en 1728, une grande passion pour la comtesse d'Orzelska. Le nom de « madame Potge, très-fameuse pour son libertinage, » qui se trouve à la page 117 de ces Mémoires, n'est peut-être que celui de Pociey mal écrit. L'autographe de la Margrave conservé à la Bibliothèque royale, à Berlin, Ms. boruss. Fol. 806, année 1728, porte Potgé.