<497>Le manuscrit et le petit livre que je prends la liberté de joindre ici n'auront certainement pas le même traitement à craindre à Ruppin, à moins que par hasard V. A. R. ne soit tellement charmée présentement des travaux de Mars, qu'elle ait fait divorce avec les Muses. Le manuscrit contient les trois sermons sur les moyens de vivre toujours content, desquels j'ai eu l'honneur d'entretenir V. A. R. Quoiqu'une espèce de badinage ait donné occasion à les prononcer, comme elle verra par la lettre dont l'auteur les a accompagnés en m'en envoyant les copies, je suis persuadé qu'elle y trouvera des endroits qui, sans être nouveaux, ne laisseront pas de lui paraître assez bien maniés. J'en parle peut-être avec trop de prédilection, c'est-à-dire, en Quinze-Vingt, puisque l'auteur semble avoir fait usage d'une partie de la description morale que je lui fis un jour de ma prétendue chevalerie de Sans-Souci, et surtout de ma devise favorite, tirée d'une Épître d'Horace,a qu'il me paraît avoir assez heureusement placée dans le dernier de ses discours. Mais enfin V. A. R., qui les lira sans prévention, en pourra juger plus sainement que moi. Quant au livre que je lui envoie, c'est la Grammaire raisonnée de Buffier. C'est sans contredit la plus claire, la plus instructive, la moins pédantesque syntaxe, en un mot, la plus belle que j'aie vue; et elle me semble si bien écrite, qu'on pourrait la lire par manière d'amusement, quand même on n'aurait pas besoin d'y chercher de quoi s'instruire. Que V. A. R. se donne la peine d'en lire préalablement, et par manière, d'essai, les premières trente-deux pages, qui contiennent une sorte de discours préliminaire, et je suis sûr qu'elle me donnera raison. Ce qu'il y a de certain, c'est que, pendant le peu de jours que j'ai eu cette grammaire, j'y ai appris plusieurs choses que je croyais savoir tout autrement, et que je suis honteux, pour ainsi dire, d'avoir ignorées si longtemps.

Pour le coup, V. A. R. ne me reprochera pas d'avoir outre-passé


a Sapere aude. Horace. Épîtres, liv. I, ép. 2, v. 40. Voyez ci-dessous, p. 507.