<494> de Satan, et que tout mortel qui s'y ... déshonore l'image de Dieu, selon laquelle il est créé.

Ils épouvantent par toutes sortes de grands mots, et menacent do la damnation éternelle quiconque ose douter de l'orthodoxie de celte doctrine. Si vous leur demandez quelle digue il faut opposer à cette passion pour l'empêcher de vous entraîner, ils vous diront qu'il faut l'assujettir à la raison, qu'il faut éviter les occasions et les objets qui pourraient l'exciter, qu'il faut recourir en tout cas à la prière, au travail et aux mortifications.

En effet, ces maximes seraient excellentes, s'il était aussi facile de les pratiquer que de les déclamer, et que l'expérience de tous les siècles ne nous eût pas appris que les remèdes qu'elles nous indiquent sont souvent pires que le mal dont elles doivent nous guérir. Mais, selon l'idée que je m'en fais, et que le bon sens me fait trouver juste, il en est de cette morale comme de bien d'autres opinions que de fausses préventions ont établies dans le monde, et que la vanité des uns et la crédulité des autres y maintiennent. Les gens raisonnables en sentent l'absurdité, et en conviennent en secret; mais la crainte de passer pour impies les empêche de s'en ouvrir en public.

Je vous ai souvent soutenu des vérités qui vous ont paru étranges parce que vos maîtres vous les exposaient autrement : l'une, que les passions, en elles-mêmes, ne sont rien moins que mauvaises (et comment le seraient-elles, puisque nous les tenons de la main du Créateur, qui nous a formés tels que nous sommes?), et qu'elles ne deviennent telles que par le mauvais usage que nous en faisons; l'autre, qu'il est tout aussi impossible à l'homme de se dépouiller des passions ou, ce qui revient au même, de les empêcher d'agir, qu'il l'est de vivre sans sommeil et sans nourriture.

C'est sur ces deux fondements que j'ai bâti mon système, dont l'unique but est de vous montrer la manière de faire l'amour sans déroger à votre honneur et à votre fortune.

Vous m'objecterez peut-être que le chemin que je prétends vous enseigner n'est pas celui du salut. Vous auriez raison, si je vous ordonnais absolument de satisfaire à votre passion; mais, n'étant pas assez mauvaise chrétienne pour vous prescrire une pareille loi, j'avoue, au contraire, que vous pécherez toutes les fois que vous connaîtrez une femme qui ne sera pas la vôtre, et je voudrais, au prix de mon sang, que vous n'y fussiez jamais sujet. Cependant, comme je suis aussi sûre que je le suis de vivre que ce péché sera toujours en vous un péché inévitable, et que tout ce qu'on pourrait vous dire là-dessus ne vous empêcherait pas de le commettre,a avec précaution que de vous guider en aveugle. Le mal en sera


a Le manuscrit présente ici une lacune.