<36>heureuse victime, qu'on peut être digne des bienfaits et de l'estime d'un grand roi, quoiqu'on ait passé à dix-huit ans devant une procession de capucins, en temps de pluie, sans avoir l'honneur de saluer.

Sur l'espérance que V. M. veut bien me donner d'avoir égard dans une autre circonstance à la requête que j'ai eu l'honneur de lui présenter en faveur de M. Béguelin, je prends la liberté de recommander de nouveau à ses bontés cet homme estimable, que j'en crois digne par la sagesse de sa conduite et par son assiduité au travail. J'avais eu l'honneur aussi d'offrir à V. M. de lui chercher quelqu'un pour succéder à M. Marggraf, dans le cas où l'Académie viendrait à perdre cet habile chimiste. Comme je ne fais acception de personne quand il est question de servir V. M. et de faire le bien de son Académie, j'ai appris, il y a peu de temps, qu'il y avait à Stockholm un très-habile chimiste, nommé Scheele,a membre de l'Académie des sciences de cette ville, et qui, sans m'être d'ailleurs connu, me paraît fort estimé par les plus habiles chimistes de la France. V. M. pourrait faire prendre à ce sujet des informations, et faire l'acquisition de ce savant, qui peut-être ne serait pas difficile. On m'a dit aussi que M. Michaelis,b de Göttingue, avec lequel je n'ai d'ailleurs aucune relation, mais qui est un savant très-distingué, et que V. M. désirait, il y a douze ans, d'attirer à Berlin, serait aujourd'hui plus disposé à cette transplantation, par quelques dégoûts qui diminuent son attachement pour le pays de Hanovre. C'est encore un avis que mon zèle seul me dicte, et dont V. M. fera l'usage qu'elle jugera à propos, suivant sa sagesse et ses lumières.

Je reçus il y a quelques jours, Sire, une lettre de madame la mar-


a Scheele était pharmacien à Köping, en Suède; né à Stralsund en 1742, il mourut en 1786.

b D'Alembert, ayant lu l'ouvrage de Michaelis, De l'influence des opinions sur le langage et du langage sur les opinions, recommanda cet écrivain au Roi, qui voulut le faire venir en Prusse; mais Michaelis refusa, le 27 juillet 1763, de répondre à cet appel. Voyez Johann David Michaelis Lebensbeschreibung von ihm selbst abgefasst. Rinteln et Leipzig, 1793, p. 57-59 et 96-99, et Litterarischer Briefwechsel von Johann David Michaelis. Leipzig, 1792, t. II, p. 429-437.