<267> à ses pieds, s'il en trouvait l'occasion, tous les sentiments dont je suis pénétré pour elle, et ma douleur de ne pouvoir aller moi-même les lui exprimer. M. le marquis d'Esterno est un homme sage, honnête, vertueux et instruit; j'ai lieu de croire que V. M. en sera contente. Puisse-t-il continuer à entretenir la bonne intelligence qui a été si longtemps entre la France et V. M., qu'une femme et un prestoleta avaient détruite, et qui paraît être revenue, ou à peu près, dans son état naturel! Hélas! Sire, vous jouissez de la paix et de toute votre gloire, et notre pauvre France n'a en ce moment ni l'une ni l'autre. Que pense V. M. de la belle équipée que nous venons de faire devant Gibraltar, de ces batteries flottantes qui menaçaient de tout abîmer, et qui se flattaient que les boulets rouges ne les brûleraient pas? Jamais, peut-être, il n'y a eu un plus triste exemple de la jactance et de la légèreté française; et ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est que cette équipée recule peut-être la paix, si nécessaire et à nous, et à nos ennemis. On ne désespère pourtant pas qu'elle ne se fasse cet hiver, attendu l'impuissance où sont les deux nations de continuer à s'égorger, parce qu'on ne s'égorge qu'à prix d'argent, et que ce nerf de la guerre manque à tous ceux qui la font aujourd'hui.

On dit que l'abbé Raynal s'établit dans les États de V. M.; il a besoin, pour écrire son histoire de la révocation de l'édit de Nantes, de l'écrire dans un pays où il soit à l'abri des fanatiques. Mais par malheur, comme l'observait très-bien V. M. dans une de ses dernières lettres, ce livre ne fera que montrer à la France toute la grandeur du mal qu'elle s'est fait à elle-même par cette révocation; il est trop tard pour le réparer. Nous ne pensons pas même à en empêcher les suites en permettant au moins le mariage aux protestants. Nous serons les derniers à faire ce que nous avons écrit, et ce que les autres nations exécutent. Dieu veuille enfin nous éclairer!


a Madame de Pompadour et le cardinal de Bernis. Voyez t. IV, p. 38, 116, 255 et 256; t. XV, p. 89; et t. XIX, p. 430.