<151> suis depuis plus de trente ans si respectueusement et si tendrement attaché. V. M. achève actuellement la quarantième année du plus beau règne dont l'histoire fasse mention. Puissiez-vous, Sire, en régner quarante autres encore! puissiez-vous entendre longtemps les bénédictions dont l'Allemagne comble V. M., et les expressions si vives de l'admiration que vous inspirez à toute l'Europe! J'avais appris déjà par les nouvelles publiques l'accès de goutte que V. M. a souffert, et je voudrais que les mêmes eussent appris à l'Europe et à ses rois ce que j'ai su par M. le baron de Grimm, que V. M., ne pouvant écrire de la main droite, avait pris le parti d'écrire de la gauche, afin que ses affaires n'en souffrissent pas. Quelle respectable activité, Sire, et qu'elle est digne d'admiration quand elle a, comme la vôtre, le bien de ses sujets pour unique objet! M. de la Haye de Launay,a qui est ici, et qui vient quelquefois chez moi à des heures où j'y rassemble une société choisie d'admirateurs de V. M., nous a tous enchantés par le récit qu'il nous a fait des actes de bienfaisance, de justice, de providence, si je l'ose dire, qui remplissent tous les jours de votre vie. V. M. croit que sa goutte à la main droite a été une punition divine du très-plaisant et très-philosophique Commentaire sur la Barbe-bleue, que cette main a eu l'impiété d'écrire. Je prends la liberté, Sire, de recommander les prêtres, les théologiens, et toutes les sottises qu'ils débitent, à la main gauche de V. M., quand sa main droite sera hors d'état de les foudroyer. Ils sont d'autant plus faits pour être battus par un roi philosophe, qu'ils deviennent de jour en jour pires que jamais. Ils refusent actuellement à l'Académie française la satisfaction de rendre à la mémoire du grand Voltaire les honneurs funèbres; et le gouvernement, qui les hait et qui les méprise, paraît appuyer, j'ignore par quelle raison, ce trait de fanatisme. Heureuse-


a Voyez J.-D.-E. Preuss, Friedrich der Grosse, eine Lebensgeschichte, t. III, p. 12 et suivantes. Voyez aussi t. VI, p. 85 et 86; t. XIX, p. 446 et 447; et t. XXIV, p. 359 et 360 de notre édition.