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V. LETTRES DE FRÉDÉRIC A MADAME DE BÜLOW, NÉE DE FORESTIER. (10 AVRIL ET 13 MAI 1780.)[Titelblatt]

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1. A MADAME DE BÜLOW, NÉE DE FORESTIER.

Potsdam, 10 avril 1780.

J'excuse votre demande du 14. C'est un cœur maternel qui soupire après la démission de son fils. Mais votre tendresse vous fait sûrement illusion sur l'état de sa santé. Mon lieutenant-général,373-a son oncle, connaît bien mieux sa constitution. Elle n'est pas aussi délicate que vous prétendez, et tout ce qu'il y a, c'est que j'ai déjà observé depuis bien longtemps qu'il n'aime pas sa vocation, et qu'il préfère une autre carrière.

Sur ce, etc.

2. A LA MÊME.

Potsdam, 13 mai 1780.

Le tableau est sûrement trop chargé, que votre lettre du 11 présente de la constitution et de la santé de votre fils. C'est la trop grande tendresse d'une mère qui l'a tracé, et je ne suis point surpris des nuances tranchantes qu'elle y a mises. Mais elles ne m'éblouissent point, et vous n'avez vous-même qu'à consulter votre beau-frère sur<374> la santé de ce fils chéri, pour vous convaincre qu'elle n'est pas aussi délicate que vous vous imaginez. D'ailleurs, vous n'avez qu'à considérer quel sort attendrait votre fils, si je cédais à vos instances réitérées, et qu'il quittât effectivement mon service. Nullement au fait de l'économie rurale, quatre ou cinq ans suffiraient pour lui faire dépenser tout son bien; et qui sait si vous n'auriez pas avec lui le même sort que la veuve de Marschall et tant d'autres trop tendres mères ont déjà éprouvé de leurs enfants sans service et sans emploi? C'est au moins cette considération qui me défend de me laisser fléchir par les sollicitations réitérées de votre cœur maternel, et elle reçoit une nouvelle force quand je pense que le bien de ce même fils n'est pas à beaucoup près aussi considérable que de vous mettre à l'abri de mes appréhensions. Le temps des Romains n'existe plus, où les armes et la charrue s'échangeaient sans altérer les fortunes.

Sur ce, etc.


373-a Christophe-Charles de Bülow. Voyez t. V, p. 101, et t. VI, p. 166.