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26. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Sans-Souci, 26 juin 1764.



Madame ma sœur,

Je conviens avec Votre Altesse Royale de l'incongruité de ma citation. Il est vrai que, hormis M. van Hoeya de défunte mémoire, les politiques modernes ne citent plus le Vieux Testament dans leurs négociations, ni dans leurs ouvrages. Mais, madame, le Dieu d'Israël a bien des imitateurs parmi les puissances de ce monde, qui font des choix par les conseils d'une prédilection secrète et déterminée, quoique insondables à la pénétration des mortels. Voilà le seul côté qui peut excuser les noms de MM. les patriarches que j'ai fait entrer dans ma lettre. Je prie d'ailleurs V. A. R. d'être assurée que, pour mon personnel, je suis le spectateurb passif de tout ce qui se passe, et qui peut, madame, vous déplaire. Je fais comme les dogues qui se sont longtemps battus avec acharnement, je sèche mes plaies; je vois que la plupart des puissances de l'Europe en font autant; trop heureux que, tandis qu'on fait des rois à droite et à gauche, la tranquillité publique ne s'en trouve pas troublée, et que chacun continue à demeurer en repos auprès de son foyer et de ses pénates. Pour moi, madame, qui suis le plus pacifique de tous vos serviteurs, je me réjouis de ce que nous conservons la paix, et je pense, madame, que, quant à vos désirs, vous n'avez pas tant perdu, parce que ce qui ne se fait pas un jour peut se faire un autre, et qu'avec de la patience et l'occasion on vient à bout de tout. Je me trouverai trop heureux, d'ailleurs, si je puis donner à V. A. R. des marques de la haute estime et de l'admiration avec laquelle je suis, etc.


a Ambassadeur des Provinces-Unies en France et en Angleterre.

b Le mot spectateur, ou tel autre mot équivalent, est omis dans notre manuscrit.