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121. A D'ALEMBERT.

27 octobre 1772.

J'ai conçu toute la témérité d'un Allemand qui envoie des vers français à un académicien, à Paris, et de plus encore à un des Quarante. J'ai senti toute l'impertinence qu'il y a d'envoyer à une des premières têtes de la littérature française une satire sur des aventuriers de sa nation. Mais si j'excepte de ces aventuriers trois ou quatre personnes de mérite, le gros de leurs compagnons n'était composé que de la lie des dernières réductions de vos troupes; et quant aux vers, comme ils ne s'élèvent pas plus haut que le ton du vaudeville, il m'a paru qu'un poëte tudesque, muni d'effronterie, pouvait les hasarder.

Cette paix à laquelle vous vous intéressez s'achemine à grands pas; le congrès vient de renouer les négociations, et avant la fin de l'hiver les troubles de l'Orient seront pacifiés. Je ne suis qu'un faible instrument dont la Providence se sert pour coopérer à cette œuvre salutaire. Les dispositions pacifiques de l'impératrice de Russie font tout dans cette affaire; le seul honneur qui peut m'en revenir est d'avoir soutenu les intérêts de l'Impératrice par des négociations à Constantinople et dans d'autres cours. La paix est sans doute le but où tous les politiques doivent tendre; mais que de matières combustibles répandues dans le monde, et que d'embrasements nouveaux à craindre! Toutes les eaux de l'Océan ne seraient peut-être pas suffisantes pour les éteindre, et tous les encyclopédistes, armés de seaux et de seringues, se consumeraient dans les plus durs travaux avant que d'y réussir. J'enverrais volontiers au nouveau temple de Jérusalem une vermine hébraïque dont je serais bien aise de me défaire, si l'on pouvait persuader à M. Mustapha d'en permettre la réédification. Ce bon sultan est plus embarrassé de reconquérir l'Égypte que de ce qui se passe à Sion. Si un juif bien riche d'Amsterdam et de