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213. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 23 avril 1778.



Sire,

Je n'aurais point différé jusqu'aujourd'hui de répondre à la dernière lettre que V. M. m'a fait l'honneur de m'écrire, si je n'avais craint de vous importuner au milieu de vos grandes occupations. Cette crainte, sans doute, était un peu fondée. Je savais que Frédéric, occupé d'affaires qui absorberaient les facultés de tout autre, trouve encore du temps pour la philosophie et pour ses amis; mais il est si difficile de se figurer un mortel pareil à vous, que l'on est mille fois dans le cas de vous faire tort, en agissant avec vous comme si vous étiez sujet à la faiblesse du commun des hommes. Si votre lettre, Sire, ne m'a pas inspiré la force de votre esprit, elle m'a du moins consolée; c'est Marc-Aurèle qui parle, et qui m'apprend à apprécier la vie et la mort, les événements et les causes; nous sommes frappés par les uns, et nous ne découvrons pas les autres, entraînés par un courant dont nous ne connaissons guère la direction, où, opérant quelquefois assez doucement, et souvent battus par la tempête, nous n'avons d'autre parti à prendre que de nous abandonner à la Providence, qui tient le timon de notre frêle barque. Aussi m'y soumets-je de tout mon cœur, mais en versant encore des larmes que sans doute elle me pardonnera.

Quand vous ajoutez ainsi à toutes vos gloires celle d'être le consolateur des malheureux et le support des opprimés, vous m'excuserez, Sire, de ne point m'être refusée aux instances du comte de Cassoti, qui m'a chargée d'un mémoire pour V. M. Il est si persuadé que vous pouvez tout, et j'ai si peu de bonnes raisons à opposer à cette persuasion, que je n'aurais pu décliner sa demande, quand les domaines de ses ancêtres eussent été sous la domination de la Chine,