<305> hommes, ne les quitte pour se rejoindre aux dieux; mais nous ferons, madame, tous les efforts que nous pourrons pour vous retenir. Mes vœux, mes souhaits, mes ardentes prières seront que V. A. R., comblée de toutes les prospérités désirables et d'une santé intarissable, trouve tant de contentement dans ce monde, qu'elle n'ait aucun lieu de se hâter de quitter ce séjour des mortels. C'est avec ces sentiments et ceux de la plus haute considération que je suis, etc.

186. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Munich, 26 février 1775.



Sire,

Votre Majesté juge par ses bontés pour moi de celles des autres. Mais il s'en faut bien que les Muses m'aient traitée aussi favorablement que vous me traitez, Sire. Jamais la gent habitante du Parnasse ne s'est déplacée un moment pour moi. Ces pauvres filles de Mémoire, qui, malgré ce nom, ne se souvenaient pas de grand' chose, auraient craint de périr de froid au pied des Alpes du Tyrol. La famille d'Apollon m'a abandonnée aux esculapes d'ici, qui, assurément, ne descendent pas du dieu du goût. Je n'en suis pas moins guérie et rendue à la vie, que j'aime parce qu'elle est un grand bien, et parce que, à tout prendre, la somme de ses plaisirs surpasse infiniment celle de ses maux. Pour vous voir, Sire, pour vous admirer, pour passer deux délicieuses huitaines au séjour des arts et de la gloire, il fallait vivre. Pour jouir de ce souvenir enchanteur, il faut vivre encore; c'est au moins le plus sûr. Eh bien, Sire, j'ai vécu et je vivrai