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107. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 15 avril 1769.



Sire,

Depuis la dernière lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire, j'ai eu un fils et une bru malades, et j'ai fini par l'être moi-même au point de n'être pas encore entièrement rétablie; c'est-à-dire que j'ai été doublement à plaindre, et par l'interruption d'un commerce charmant, et par la cause qui l'a produite. Je suis à présent beaucoup mieux. L'intérêt obligeant que vous y avez daigné prendre, Sire, a le plus accéléré ma guérison. V. M. dit qu'elle vieillit. S'il m'était permis de faire des leçons à mon maître, je vous ferais remarquer, Sire, que ce n'est pas là le terme; que les gens comme vous ne vieillissent jamais, et que cela emporte je ne sais quelle idée de décadence qui ne peut vous convenir. Est-ce déchoir que de montrer à l'univers que, comblé de gloire, on est au-dessus de cette gloire même? Frédéric a fait voir qu'il sait vaincre et recueillir le fruit de ses victoires; aujourd'hui c'est un héros assez grand pour maintenir la paix et pour en jouir, quand il ne tiendrait peut-être qu'à lui de s'illustrer par de nouveaux exploits. Chaque année de votre règne, Sire, ajoute une nouvelle espèce de gloire à celle dont vous étiez déjà en possession. Voilà bien des paroles pour prouver à V. M. ce qu'elle doit sentir en elle-même. Mais je vous avoue que cette comparaison de Saturnea m'a piquée au vif, et que je n'aime point qu'on dégrade mon héros.

Je voudrais bien que la prétendue vieillesse de V. M. eût été le seul obstacle qui eût pu l'empêcher de venir ici; mais malheureusement le temps n'est plus où les souverains, à cheval, accompagnés de


a Il faut sans doute lire Vulcain.