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81. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 11 mai 1767.



Sire,

Vous me faites la guerre sur mon incrédulité, et Votre Majesté m'accuse d'un caprice bien étrange, de lui refuser le don de persuader. Je vais, Sire, me justifier d'un mot. Vous voudriez engager l'Europe entière à conserver précieusement la tranquillité dont elle jouit. Entreprenez, Sire, cet heureux, ce salutaire ouvrage, et je suis caution que vous y réussirez. Ce sera un beau contraste; un illustre guerrier prêchant la paix, on se rappellera que l'ermite Pierre prêcha la croisade. Alors, Sire, et sous vos auspices, on s'occupera à réparer les pertes des dernières guerres; vous verrez des mariages, des naissances, une génération nouvelle se former pour vous admirer et vous bénir. Ce spectacle vous offrira plus de charmes qu'un champ de bataille. Vous voyez, Sire, que je vous rends justice, et que je vous crois philosophe. Je suis charmée d'apprendre que la Princesse de Prusse s'acquitte si bien de son devoir, et je lui souhaite les plus heureuses couches.a Jouissez longtemps, Sire, du plaisir de voir multiplier votre auguste maison, et faites que ses princes soient amis de mes enfants, comme je suis, etc.

Je demande mille pardons pour le trou qui se trouve dans le papier; je ne m'en suis aperçue que vers la fin de ma lettre.


a Voyez t. VII, p. 50.