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L'arbre est dépouillé de verdure,
Les jardins sont privés de fleurs.
L'homme ainsi ressent les rigueurs
Du temps qui vient miner son être.
Si, jeune, il se nourrit d'erreurs,
Dès qu'il juge et qu'il sait connaître.
L'âge, les maux et les langueurs
Le font pour toujours disparaître.

Toutes ces variations sont pour le commun de l'espèce, mais non pour le divin Voltaire. Il est comme madame Sara, qui faisait tourner la tète aux roitelets arabes à l'âge de cent soixante ans. Son esprit rajeunit au lieu de vieillir; pour lui le Temps n'a point d'ailes; mais il est à craindre que la nature n'ait perdu le moule où elle l'a jeté. On nous conte que Jupiter prolongea la nuit qu'il coucha avec Alcmène, pour se donner le temps de fabriquer Hercule; je suis persuadé que si l'on examinait les phénomènes de l'année 1694,a pareille merveille s'y trouverait. Enfin jouissez longtemps des prodigalités de la nature; personne ne s'intéresse plus à votre conservation que le solitaire de Sans-Souci. Vale.

Il fallait les charmes de l'enchanteur de Ferney pour tirer des vers de ma vieille et stérile cervelle.

559. DE VOLTAIRE.

(Ferney) août 1777.

Monsieur le grand rêveur, personne n'a jamais fait un plus beau songe que vous. Si Nabuchodonosor avait rêvé ainsi, il n'aurait


a Année de la naissance de Voltaire. Voyez t. VII, p. 76.