<44> de reprendre ceux des autres. Mais je vous le dis encore, je ne vois goutte aux miens, je les trouve souvent faibles, mais je n'ai pas le talent de les faire meilleurs. D'ailleurs, ne prenez jamais pour juge de vos vers un général d'armée qui se trouve vis-à-vis de l'ennemi; c'est le moment où l'on est le moins traitable.

J'ai dérangé le projet de campagne de M. Daun et des Français, sans presque remuer de ma place. Je suis occupé à présent à d'autres sottises de cette espèce; et, tant que cette chienne de vie durera, ne croyez pas trouver en moi un critique indulgent. On prend l'esprit de son métier; et, dans ces moments d'alarmes, je fais main basse, si je peux, sur l'ennemi et sur tous les vers qui ne me plaisent pas, hormis les miens.

Adieu, ermite suisse; ne vous fâchez pas contre Don Quichotte, qui jetait au feu les vers de l'Arioste,a qui ne valaient pas les vôtres, et ayez quelque indulgence pour un censeur germanique qui vous écrit des fins fonds de la Silésie.

357. AU MÊME.

Landeshut, 28 avril 1759.

Je vous suis fort obligé de la connaissance que vous m'avez fait faire avec M. Candide;b c'est Job habillé à la moderne. Il faut le confesser; M. Pangloss ne saurait prouver ses beaux principes, et le meilleur des mondes possibles est très-méchant et très-malheureux.c Voilà la


a Ce n'était pas Don Quichotte qui jetait les romans au feu, mais le curé de son village. Voyez Don Quichotte, t. I, chap. 6.

b Voyez t. XIV, p. 198.

c Voyez t. XIX, p. 272.