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411. A VOLTAIRE.

Berlin, 4 janvier 1770.

Le vieux citadin du Caucase,
Ressuscité de son tombeau,
Caracole encor sur Pégase
Plus lestement qu'un jouvenceau.
J'aimerais mieux me voir à table
Avec ce Velche plein d'appas,
Esprit fécond, toujours aimable,
Qu'avec son Grec Pausanias.

Le vieux Velche a beaucoup d'érudition; cependant il paraît qu'il persifle un peu ce pauvre Thrace qu'il alexandrise. Ce pauvre Thrace est un homme très-ordinaire, qui n'a jamais possédé les grands talents du vainqueur du Granique, et qui aussi n'a point eu ses vices. Il a fait des vers en velche, parce qu'il en fallait, et que, pour son malheur, personne que lui dans son pays n'était atteint de la rage de la métromanie. Il a envoyé ses vers au vice-dieu qu'Apollon a établi son vicaire dans ce monde; il a senti que c'était envoyer des corneilles à Athènes; mais il a cru que c'était un hommage qu'il fallait rendre à ce vice-dieu, comme de certaines sectes de papegauts en rendent au vieux qui préside sur les sept montagnes.

Quand vous avez pris des pilules, vous purgez de meilleurs vers que tous ceux qu'on fait actuellement en Europe. Pour moi, je prendrais toute la rhubarbe de la Sibérie et tout le séné des apothicaires, sans que jamais je fisse un chant de la Henriade. Tenez, voyez-vous, mon cher, chacun naît avec un certain talent : vous avez tout reçu de la nature; cette bonne mère n'a pas été aussi libérale envers tout le monde. Vous composez vos ouvrages pour la gloire, et moi pour mon amusement. Nous réussissons l'un et l'autre, mais d'une manière bien différente; car, tant que le soleil éclairera le monde, tant