<309>à la manière de Lucien. Ce Lucien est naïf, il fait penser ses lecteurs, et on est toujours tenté d'ajouter à ses Dialogues. Il ne veut point avoir d'esprit. Le défaut de Fontenelle est qu'il en veut toujours avoir; c'est toujours lui qu'on voit, et jamais ses héros; il leur fait dire le contraire de ce qu'ils devraient dire; il soutient le pour et le contre; il ne veut que briller. Il est vrai qu'il en vient à bout; mais il me semble qu'il fatigue à la longue, parce qu'on sent qu'il n'y a presque rien de vrai dans tout ce qu'il vous présente. On s'aperçoit du charlatanisme, et il rebute. Fontenelle me paraît dans cet ouvrage le plus agréable joueur de passe-passe que j'aie jamais vu. C'est toujours quelque chose, et cela amuse.

Je joins à Marc-Aurèle deux rogatons que V. M. n'a peut-être pas vus, parce qu'ils sont imprimés à la suite d'un grimoire sur le carré des distances, lequel n'est point du tout amusant.

Mais, en récompense des chiffons que j'envoie, j'attends le sixième chant de votre Art;a j'attends le toit du temple de Mars. C'est à vous seul à bâtir ce temple, comme c'était à Ovide de chanter l'amour, et à Horace de donner la Poétique. Sire, faites des revues, des ports, des heureux :

Sous vos aimables lois je me flatte de l'être.
Aux yeux de l'avenir vous serez un grand roi,
Et, grâce à votre gloire, on voudra me connaître.
On dira quelque jour, si l'on parle de moi :
Voltaire avait raison de choisir un tel maître.


a Le poëme de l'Art de la guerre.