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Que l'Horreur vous écoute et se change en douceur;
Que le Ciel applaudisse, et que la Terre, unie
Aux concerts de votre harmonie,
Dise : Je lui dois mon bonheur.

J'ai toujours espéré cette paix universelle, comme si j'étais un bâtard de l'abbé de Saint-Pierre. La faire pour soi tout seul serait d'un roi qui n'aime que son trône et ses États, et cette façon de penser n'est pas selon nous autres philosophes, qui tenons qu'il faut aimer le genre humain. L'abbé de Saint-Pierre vous dira, Sire, que, pour gagner paradis, il faut faire du bien aux Chinois comme aux Brandebourgeois et aux Silésiens. La relation de votre bataille de Chotsits, que vous avez eu la bonté de m'envoyer, prouve que vous savez écrire comme combattre; j'y vois, autant qu'un pauvre petit philosophe peut voir, l'intelligence d'un grand général à travers toute votre modestie. Cette simplicité est bien plus héroïque que ces inscriptions fastueuses qui ornaient autrefois trop superbement la galerie de Versailles, et que Louis XIV fit ôter par le conseil de Despréaux; car on n'est jamais loué que par les faits. Cette petite anecdote pourra servir à augmenter votre estime pour Louis XIV.

J'espère bientôt, Sire, voir votre galerie de Charlottenbourg, et jouir encore du bonheur de voir ce roi vainqueur, ce roi pacifique, ce roi citoyen, qui fait tant de choses de bonne heure. Je serai probablement, le mois prochain, à Bruxelles, et de là je me flatte que j'aurai l'honneur d'aller encore passer dix ou douze jours auprès de mon adorable monarque. Mais comment parler de Chotsits en vers? quel triste nom que ce Chotsits! n'êtes-vous pas honteux, Sire, d'avoir gagné la bataille de Chotsits, qui ne rime à rien, et qui écorche les oreilles? N'importe, je voudrais passer ma vie auprès du vainqueur de Chotsits.

Ne me reprochez point d'éviter ce vainqueur;
Je ne préfère point à sa cour glorieuse