<381>descendre à la prière que je lui fais, si elle donne son trésor au public, je lui demande en grâce qu'elle me permette de faire la préface, et d'être son éditeur. Après l'honneur qu'elle me fait de faire imprimer la Henriade, elle ne pouvait plus m'en faire d'autre qu'en me confiant l'édition de l'Antimachiavel. Il arrivera que ma fonction sera plus belle que la vôtre; la Henriade peut plaire à quelques curieux, mais l'Antimachiavel doit être le catéchisme des rois et de leurs ministres.

Vous me permettrez, monseigneur, de dire que, selon les remarques de madame du Châtelet, oserais-je ajouter, selon les miennes, il y a quelques branches de ce bel arbre qu'on pourrait élaguer, sans lui faire de tort. Le zèle contre le précepteur des usurpateurs et des tyrans a dévoré votre âme généreuse; il vous a emporté quelquefois. Si c'est un défaut, il ressemble bien à une vertu. On dit que Dieu, infiniment bon, hait infiniment le vice; cependant, quand on a dit à Machiavel honnêtement d'injures, on pourrait, après cela, s'en tenir aux raisons. Ce que je propose est aisé, et je le soumets à votre jugement. J'attendrai les ordres précis de mon maître, et je conserverai le manuscrit jusqu'à ce qu'il permette que j'y touche et que j'en dispose.

Ce sera dorénavant V. A. R. qui m'enverra des productions françaises; je ne suis plus qu'un serviteur inutile; je reçois, et je ne donne rien. Je raccommode un peu le Machiavel de l'Asie; je rabote Mahomet, dont vous avez vu les commencements informes. Je ne continuerai point ici l'Histoire du Siècle de Louis XIV; j'en suis un peu dégoûté, quoique je me sois proposé de l'écrire tout entière dans le style modéré dont V. A. R. a pu voir l'échantillon. D'ailleurs, je suis ici sans mes manuscrits et sans mes livres. Je vais me remettre un peu à la physique. Que ne puis-je être avec les Célius et les hommes de mérite que votre réputation attire déjà dans vos États!

On m'avait dit que le ministre tant annoncé était digne de dîner