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35. AU MARQUIS D'ARGENS.

Leitmeritz, juin 1757.

Souvenez-vous, mon cher marquis, que l'homme est plus sensible que raisonnable.49-a J'ai lu et relu le troisième chant de Lucrèce;49-b mais je n'y ai trouvé que la nécessité du mal et l'inutilité du remède. La ressource de ma douleur est dans le travail journalier que je suis obligé de faire, et dans les continuelles dissipations que me fournit le nombre de mes ennemis. Si j'avais été tué à Kolin, je serais à présent dans un port où je ne craindrais plus les orages. Il faut que je navigue encore sur cette mer orageuse, jusqu'à ce qu'un petit coin de terre me procure le bien que je n'ai pu trouver dans ce monde-ci. Adieu, mon cher; je vous souhaite la santé et toutes les espèces de bonheur qui me manquent.


49-a Voyez t. XIV, p. 73, t. XVII, p. 173, et t. XVIII, p. 181 et 208.

49-b Voyez, t. X, p. 226.