<444> espions, et depuis un siècle la canaille qui se prête à pareils emplois n'a été mieux payée. Voyez quel bruit vous faites en Europe, avec le moins de mouvement possible. Que serait-ce, si jamais vous agissiez avec activité? Mais je tremble d'avoir mis ce mot indiscret dans ma lettre. Je vous recommande aux doux soins de Morphée, sur le duvet le plus mou et le plus tendre; que jamais le soleil ne vous frappe de ses rayons qu'après avoir parcouru les trois quarts de sa carrière; que le forgeron laborieux et les coqs vigilants soient bannis de votre voisinage; que le doux murmure d'une onde claire assoupisse mollement vos sens, et vous plonge, après une douce léthargie, dans un sommeil profond et paisible; que deux mois de séjour continuel dans votre lit réparent les fatigues énormes d'un rude voyage; et que les anges qui transportèrent la maison de la reine du ciel du fond de la Palestine au rivage de Loretto vous soulèvent sur leurs ailes, et, traversant doucement les airs, vous ramènent sans incommodité d'Éguilles à Potsdam. Voilà les vœux que je forme pour vous, et j'espère que sainte Hedwige, ma patronne,a les exaucera. Adieu, mon cher; on vous attend ici avec impatience.

296. AU MÊME.

Le 18 mars 1765.

Je reçois votre lettre, mon cher marquis, sans date, de sorte que je pourrais supposer qu'elle est des ruines de Carthage, ou de Cochinchine; mais ce qui me fait présumer que vous êtes en Provence, c'est que, depuis votre départ, toutes les gazettes sont pleines d'un monstre


a Voyez ci-dessus, p. 397.