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.......... Que, d'un cœur incertain,
Je parerai d'un bras les coups de l'autre main.a

Que font, Sire, vos jésuites de Silésie? Ils boivent, mangent, dorment paisiblement; vos ministres du saint Évangile, que nous autres catholiques nous appelons prédicants, font la même chose; les rabbins de la synagogue, parmi lesquels se trouve mon maître de la langue hébraïque, M. Raphaël, jouissent tranquillement du même privilége. Sage Frédéric, roi philosophe, chez lequel les hommes pensent différemment et ne disputent pas, je vous reverrai avant de mourir, c'est là mon unique espoir. En attendant, si vous avez pitié d'un pauvre exilé du pays de la philosophie, daignez le consoler jusqu'à ce qu'il retourne à Sans-Souci, en l'honorant de votre réponse.

Si par hasard, dans le nombre de vos chirurgiens français,b vous aviez une place vacante, j'ai trouvé un des plus habiles hommes de la France, qui serait charmé d'aller dans un pays qui est devenu aujourd'hui la patrie de tous les gens à talents. J'ai l'honneur, etc.

295. AU MARQUIS D'ARGENS.

Le 22 janvier 1765.

J'ai vu par votre lettre, mon cher marquis, que vous êtes arrivé, je ne dis pas promptement, mais heureusement à Éguilles. Vous vous


a Hermione dit dans

l'Andromaque

de Racine, acte V, scène I :

Il croit que, toujours faible et d'un cœur incertain.
Je parerai d'un bras les coups de l'autre main.

b En 1744, Frédéric avait fait venir pour son armée douze chirurgiens français, dont deux avaient le titre de maîtres, les dix autres celui d'aides. Les appointements des maîtres étaient de mille écus, ceux des aides de trois cents. Voyez t. X, p. 240.